Hier soir, après avoir ramolli ma gorge de deux verres de whisky, j’ai attendu que les vapeurs de l’alcool fassent leur chemin dans mon cerveau dont le QI faisait ma fierté, mais que les pratiques politiques, genre montagnes russes, de nos dirigeants ont métamorphosé en crème renversée, je me suis résolu à accrocher les gants et de vivre sous la houlette de la littérature les années qu’il me reste à vivre.

Mes idéaux, je les ai foutus aux chiottes de la débâcle d’un pays qui me refuse le droit basique de vivre avec un tant soit peu de dignité. Un pays qui se positionne volontairement dans une impasse politique au grand dam d’un peuple qui avale des poires d’angoisse au quotidien n’est pas digne de mon appartenance.

Je m’appartiens. Je suis inféodé par la liberté d’expression.

Le Liban est une équation à deux variables : la mosquée et l’église. Deux institutions millénaires qui prétendent être aptes à séparer le bon grain de l’ivraie alors qu’elles sont l’ivraie et ne distinguent le vrai du faux qu’en fonction de quel côté le vent souffle en leur faveur.

Je ne suis ni chrétien ni musulman. Je me refuse la catégorisation communautaire. Je refuse mon affiliation à un parti en particulier. Je suis du parti des droits de l’Homme et celui de l’humanité. Je suis bien plus qu’un être humain formé de 206 os que les politiciens broient avec délectation.

Je suis un courant électrique qui marche vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je suis des déchets recyclables. Je suis un feu de circulation qu’on respecte. Je suis un emploi dont le salaire me permet de vivre sans faire la manche ni me soucier si je vais pouvoir amener du pain chaud à table. Je ne suis pas un féal qui jure allégeance à des pays dont il ne partage ni l’histoire ni la civilisation.

Je suis un crachat glaireux qui arrose chaque jour que le bon Dieu crée le visage aseptisé de nos connards de politiciens.
Je suis un peuple qui s’est insurgé contre les Ottomans, les Palestiniens, les Syriens ; et j’en passe et des meilleurs, mais qui est trop couard, trop mièvre, trop niquedouille pour chasser du temple de la corruption et du je-m’en-foutisme ceux qu’il a élus parce que soudoyé par trente deniers pour dénier sa culpabilité.

De la culture générale, de l’art aussi, mais surtout de la littérature, pour nous arracher de la décadence qui nous plonge dans les affres du fanatisme et des esprits abscons. La vie se lit dans le texte. Je ne connais de libération que celle promulguée par l’art. L’art de vivre, de lire, de se lier à une virgule, d’apostropher une tournure de phrase, d’écrire au courant de la plume, de composer des rimailles, d’arrimer l’arche de la création au bollard de l’insurrection contre la platitude, la bassesse et l’avilissement du monde, d’admirer une peinture, la laisser aussi nous absorber dans les couleurs de son expression, considérer le dessin charbonné par un enfant comme œuvre d’art. La littérature ne connaît pas la mortalité. Elle dénoue les nœuds coulants, érode les barres, nous tire du sable mouvant de l’ignorance, nous sauve de nous-mêmes. C’est elle qui engendre l’infini dont nous sommes l’éternité.

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