Onze minutes. Le court-métrage de Philippe Aractingi est peut-être court au niveau de la temporalité, mais si long dans les images bouleversantes et les mots qui font sens.

Onze minutes. Le concentré de la révolution, que dis-je, de NOTRE révolution, comme si on la revoyait en slow motion, entre rêve et réalité, dans un entre-deux onirique.

Onze minutes. Des images belles, en gros plan, bercées par un rythme apaisant, mais à la fois galvanisant.

Onze minutes. Cette foule qui fut nôtre a-t-elle vraiment existé? Nous étions si beaux, si forts, si naïfs surtout.

Onze minutes. Des images prises en gros plan, au plus près, jusqu’à s’immiscer dans les tatouages et l’ADN des révolutionnaires. L’autopsie de milliers de personnes qui se sont fondues, l’espace de quelques courts mois, en un seul corps, incarnant des valeurs à l’opposé de celles pratiquées par l’autocratie mafieuse qui a saigné le pays jusqu’au dernier résistant et l’a volé jusqu’aux derniers deniers.

Onze minutes. Grossesses, avortements, accouchement au forceps. Baby blues. Endométrioses. Grossesses nerveuses. Morts subites du nourrisson.

Onze minutes. Méditation, introspection, cœurs qui battent à l’unisson. Drapeaux frappés du cèdre altier emblème d’une nation qui n’a jamais vu le jour.

Onze minutes. Des casseroles, de la rage, des nuits sans sommeil, des femmes boucliers qui prennent les devants, à leurs corps défendant, brisent la chaîne de l’effroi, libèrent la parole.

Onze minutes. Chaîne humaine sur 10 452 km2. Main dans la main, toutes confessions confondues. Un seul liant. Liban. Les masques tombent. Le peuple fraternise. Trop beau pour être vrai. Et pourtant.

Onze minutes. Les images off. Celles que le court-métrage ne montre pas. Celles qu’il faut soutenir avec lucidité. Aussi douloureuses soient-elles. Les révolutionnaires agressés. Les tentes brûlées. Les éclopés de la vie et de la vue. La répression sanglante. Les monstres qui sévissent.

Onze minutes. Un rêve raconté par Ici Beyrouth en onze phrases qu’un livre ne saurait contenir. Oui, la révolution n’est plus qu’une âme qui flotte au-dessus de nos vies; ces sous-vies qui sont bien en deça de la survie pour 80% pour du peuple qui ne mérite pas cette mise à mort délibérée. Thawra!