"Elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n’ai jamais su où aller depuis.
Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais.
On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours."

Il est des chefs-d’œuvre dont on ne se lasse jamais parce qu’ils nous interpellent à chaque relecture, parce qu’ils nous bousculent, parce qu’ils nous éblouissent. La Promesse de l’aube, le roman de Romain Gary est incontestablement un chef-d’œuvre. Une ode à l’amour maternel, une ode à la vie.

Véritable prouesse littéraire tant par la trame narrative que par le style exceptionnellement fluide de l’auteur où le talent de l’artiste Gary explose tant et si bien que l’on n’est guère surpris qu’en dépit du passage des années, ce roman ne prenne pas une ride. Pas une seule.

Récit autobiographique sans vouloir être autobiographique (quelle importance, finalement), La Promesse de l’aube tient ses promesses dont la plus grandiose est, sans aucun doute, celle de susciter encore et toujours l’envie de la lecture et… de la relecture.

Si le roman est grandiose, l’adaptation cinématographique d’Éric Barbier en 2017 ne l’est pas moins. Pierre Niney, qui joue le rôle de Romain Gary, est époustouflant. Avec brio, il embarque le spectateur sur les traces de Romain, depuis son enfance, des plus difficiles, en Pologne, en passant par ses années de jeunesse à Nice, ses années solaires, et jusqu’à ses exploits pendant la Seconde Guerre mondiale à la suite de son ralliement à De Gaulle. Nous sommes ainsi plongés dans cette vie hors du commun que fut celle de Gary. Ou plutôt, dans une multitude de vies que s’en vient couronner une carrière remarquable d’écrivain.

Cette vie, c’est à elle qu’il le doit. Elle, c’est Nina, la mère excentrique, dont le rôle est magnifiquement interprété par Charlotte Gainsbourg. Une mère passionnée, et dont la seule passion c’est son fils. Puis le théâtre.

Un amour maternel sans limites et sans concessions. Un amour maternel qui élève. Un amour maternel qui pourtant entrave, pèse et fait ployer. Et pourtant… comment oublier ces mots, les mots de Nina, la mère, tant ils auront été prémonitoires?

Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D’Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es! Je crois que jamais un fils n’a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là. Mais, alors que j’essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu’elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l’Armée de l’Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j’entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports:
– Alors, tu as honte de ta vieille mère ?

La Promesse de l’aube est encore riche de mille et une promesses. Un roman à lire ou à relire. Un film à voir ou à revoir.