Maintenir une union amoureuse requiert des efforts, autrement dit lutter pour sa conservation, sa préservation. Comme dit l’adage: être en couple c’est confronter des problèmes qu’on n’aurait jamais eus seul.

Sartre concevait l’amour comme "le désir de s’approprier l’autre comme être libre". En un mot comme en cent, il n’est pas question de s’approprier d’un objet, mais de la liberté de l’autre, l’encager dans le désir incoercible pour l’inféoder à ses désirs purement charnels. Que deux êtres ne fassent qu’un dans la stratosphère de l’amour fait appel à l’effacement de l’un au profit de l’autre. Le 1 + 1 = 2 fait fausse route. Car la somme des deux totalise un.

Aimer à sens unique engendre des supplications: aime-moi. Cette injonction atteindra exclusivement sa matérialisation quand l’acte charnel trouve sa résonance dans l’embrasement de leurs deux corps. Dans le cas contraire, les deux corps deviennent cendres qui s’éparpilleront aux quatre vents au moment de la rupture.

Une fois qu’on est en couple, on passe de la première personne du singulier à la première personne du pluriel. Le "nous" supplante le "je". Le "je" s’incline devant la fusion de deux entités sous le halo de l’imposition d’une et unique identité. L’un s’efface devant l’autre pour devenir ou l’un ou l’autre. Il n’y a pas d’amour désintéressé, sinon l’amoureux ne se verra pas dans le reflet de l’autre, l’autre qui va jusqu’à se confondre, se perdre, se diluer dans les émanations de ses sentiments qui demeureront stériles s’il y a pénurie de proximité tactile.

Aimer est-ce se sacrifier pour l’autre sur l’autel de l’abnégation au péril de perdre son être? Quand on dit à l’autre "je t’aime", on s’attend à une réaction classique de l’ordre de "je t’aime aussi". Si la réponse se réduit à la banalité de "moi aussi", notre faim physique et sentimentale ne sera pas rassasiée. On veut entendre échapper des lèvres de l’autre le verbe aimer même s’il ne touche pas l’essence même de la relation: j’aime ta robe, j’aime ta coiffure, j’aime ton rouge à lèvres, etc. Or il suffit d’aimer son regard, ses mains, sa bouche, ses bras, ou ses yeux pour que l’amour s’installe sur le trône du physique au grand dam de l’être en tant qu’un qui probablement tombera dans le panneau du lit à défroisser.

Dans ce dernier cas, ce sera de l’amour récréatif. Un amour de loisir. Sans lendemain. Bergerac s’est replié devant sa laideur pour dérouler son béguin en rimes à Roxanne qui l’aurait trouvé physiquement répugnant s’il s’était exposé au soleil de sa supercherie. Aimer quelqu’un c’est le désirer sans pourtant l’aimer ou vouloir partager sa vie. Aimer est coûteux. On laisse toujours une part de soi à chaque fois que l’autre nous désire, et cela jusqu’à l’anéantissement.

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