Grand moment, riche de réflexions et d’émotions, que ce premier rendez-vous du Festival de la culture et de la politique Polup à l’Institut Tilgher d’Herculanum, sur l’initiative de Piero Sabbarese, conseiller municipal à Herculanum.

Le conseiller municipal Piero Sabbarese dialoguant avec l’ancien ministre Claudio Martelli

Le choix d’inviter un grand politicien, qui fut sous le gouvernement de Bettino Craxi aussi bien ministre de la justice que vice-président du Conseil, dans une école publique du sud de l’Italie pour présenter un ouvrage qui parle de l’une des périodes les plus intenses et tumultueuses de l’histoire contemporaine de l’Italie, n’était certes pas commun ni anodin. Mais comme l’affirme Claudio Martelli, en évoquant son livre Vita e persecuzione de Giovanni Falcone paru récemment aux éditions La nave di Teseo, si l’on étudie l’Histoire et si l’on décortique le passé, c’est pour mieux comprendre le présent et affronter ainsi l’avenir. Et où parlerait-on d’avenir si ce n’est dans le lieu même où il se forge et se construit ? Où est-il davantage crucial d’évoquer l’espoir en contrecarrant l’œuvre sournoise et scélérate du crime organisé si ce n’est sur un territoire où des hommes de bonne volonté en ont combattu et continuent à en combattre l’influence jour après jour ?

La Proviseure de l’Institut Adriano Tilgher d’Herculanum Mme Rossella di Matteo

C’est dans la section du Tilgher consacrée à l’école du soir que le ministre a été accueilli de surcroît, là où jeunes et adultes, de dix-huit à soixante ans, reprennent un parcours scolaire souvent tristement interrompu et achèvent leur formation en relevant un formidable défi, puisque que la vie ne donne pas les mêmes opportunités à tous ses citoyens… Quand Martelli arrive, toute l’école est sur le pied de guerre. Les sections de l’institut œnogastronomique " salle " et " cuisine " sont en uniforme, la proviseure Rossella di Matteo annonce l’arrivée de l’ancien ministre avec émotion, le représentant du maire d’Herculanum, de nombreux responsables de l’établissement, tous les enseignants de la section dédiée à l’école du soir et différents conseillers municipaux sont présents.

Le ministre dialoguant avec les élèves du cours du soir en présence du professeur Raffaele Aratro, collaborateur de la proviseure de l’Institut Tilgher et modérateur actif au cours du débat.

Avec l’aisance et l’éloquence qui distinguent un auteur qui a véritablement vécu l’histoire qu’il partage, l’œil vif et la mémoire infaillible, Martelli évoque le protagoniste du livre, dont il était le collaborateur et ami, Giovanni Falcone. L’ex-ministre avait partagé avec l’un des plus grands magistrats qu’ait connus l’Italie un combat crucial contre la Mafia, collaboration qui avait pris fin avec l’assassinat tragique de Falcone. Mais la méthode du magistrat enquêteur tragiquement tué lui avait survécu.

Emiliana Dorio introduisant l’évènement

L’ouvrage, Vie et persécution de Giovanni Falcone, un hommage à la réflexion de l’homme, au cheminement de sa pensée, aux phases de son combat, à la trahison de ses collègues, au lynchage médiatique dont il avait souvent fait les frais, l’ouvrage est écrit dans le souci constant d’une réhabilitation des faits et de la véritable nature de Falcone, chercheur probe et acharné de la vérité. Le magistrat palermitain avait été abandonné par ceux-là même dont il servait la cause, devenant ainsi une cible aisée pour ceux qu’il combattait, même après le succès international du plus grand procès criminel anti-mafieux de l’histoire, à Palerme en 1986, dans une salle bunker expressément construite pour l’occasion.

Les élèves du cours du soir entourant la conseillère municipale Emiliana Dorio

Le témoignage de Martelli se fait passionnant. C’est lui-même qui avait nommé en 1991 Falcone directeur des Affaires pénales du ministère de la Justice, à Rome, permettant au juge de centraliser ainsi sa lutte antimafia et veillant à la promulgation des lois nécessaires.

Au premier plan la responsable des cours du soir au " Tilgher " Mme Giovanna Zinno

L’ouvrage, en soulignant la trahison des pairs de Falcone, met en lumière l’urgence de la solidarité dans tout combat mené au nom de la liberté et de la dignité du citoyen. Il met surtout l’accent sur " la responsabilité de tout membre de la fonction publique et de tout serviteur de l’État envers la société dans le souci de préserver la liberté et la sécurité de ses membres. " Réflexion qui, comme le souligne l’un des responsables de l’établissement Tilgher, engage profondément la responsabilité des enseignants, eux-mêmes membres de la fonction publique, envers la société en devenir.