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Après plus de six mois de restauration, le public du musée du Louvre à Paris découvrira le jeudi 2 mai 2014 les vraies couleurs de l’icône mondiale de la peinture, La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Le tableau avait été altéré par des décennies de vernis et de saleté accumulés. 

La Liberté guidant le peuple de Delacroix, qui a rarement quitté le Louvre sauf pour être exposée à son antenne de Lens, dans le nord de la France, et au Japon en 1999, représente une allégorie de la Liberté: une femme, les seins nus, brandissant la cocarde tricolore sur une barricade, en plein cœur de Paris. Peinte par Eugène Delacroix en 1830, elle a subi avec le temps l’application de huit couches de vernis destinées initialement à en rehausser les couleurs mais qui ont fini par les noyer sous un voile jaune et terne, où se sont également emprisonnées crasse et poussière. "On est la première génération qui va redécouvrir la couleur de Delacroix", se réjouit Sébastien Allard, directeur du département des peintures du Louvre.

La dernière restauration d’importance remonte à 1949. La présente rénovation fait partie d’une campagne lancée en 2019 pour les grandes toiles du XIXe siècle. "C’est une révélation", explique M. Allard: les nuances de gris, noir, brun et blanc illuminent de nouveau la toile, la fumée blanche s’échappe des armes et la poussière s’élève au-dessus des barricades, tandis que le ciel bleu se dévoile au-dessus des tours de Notre-Dame, révélant tous les détails d’une scène chargée de violence et d’exaltation.

"C’est un enchantement de voir apparaître sous le vernis une matière picturale en très bon état avec des touches vibrantes, on a l’impression d’être au cœur de la création", confie Bénédicte Trémolières, l’une des restauratrices en charge de ce projet, à l’AFP. "Delacroix a dissimulé des petites touches de couleurs bleu-blanc-rouge de manière subtile, comme en écho au drapeau, qui n’étaient plus du tout perceptibles", ajoute Laurence Mugniot, sa collègue, en montrant "la pupille bleue avec une touche rouge" d’un personnage ou le "costume d’un garde suisse".

Contrairement à d’autres grandes toiles, l’immense œuvre (2,60 m de hauteur sur 3,25 m de largeur, hors cadre) n’a pas été déplacée au centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) mais est restée au Louvre. Pour évaluer l’ampleur des travaux nécessaires, les spécialistes se sont appuyés sur des "archives et photos anciennes" et ont réalisé des "analyses minutieuses de la toile, passée aux infrarouges, rayons X et ultraviolets", précise Côme Fabre, conservateur au département des peintures du Louvre, chargé du XIXe siècle.

Les restauratrices ont effectué des "tests" sur de minuscules parties du tableau. Munies de loupes binoculaires et de microscopes, "elles ont notamment découvert que certaines retouches, dont une trace brune sur la robe de la Liberté, avaient été ajoutées après Delacroix et qu’on pouvait donc les retirer", révèle-t-il.

Le tableau, acquis par l’État français lors de sa première exposition publique en 1831, est arrivé au Louvre en 1874. Bien qu’il représente la révolution de juillet 1830, il a pris de nombreux sens au fil des ans: "la Révolution, Marianne, la République française, la France en général, repris abondamment sur des affiches, au moment de la Libération de Paris en 1944, sur des billets de banque ou des timbres", explique M. Fabre. En 2019, l’artiste Pascal Boyart, alias PBOY, avait réalisé à Paris une fresque murale intitulée "La Liberté guidant le peuple des gilets jaunes", réinterprétant l’œuvre dans un contexte moderne.

Selon M. Fabre, "l’idée géniale de Delacroix, c’est d’avoir réussi à représenter l’action collective en mouvement, qu’on n’arrête pas, avec des hommes fédérés autour d’une femme, qui incarne l’idée de liberté".

Avec AFP

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