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Le film Maria, présenté à Cannes, revient sur le tournage traumatisant du Dernier Tango à Paris en 1972. La réalisatrice Jessica Palud montre comment la fameuse scène de viol a brisé l’actrice Maria Schneider, qui dénonçait déjà les abus à l’époque.

La 77e édition du festival de Cannes a marqué les esprits avec la présentation de Maria, un film poignant de la réalisatrice Jessica Palud. Ce long-métrage revisite le tournage controversé du Dernier Tango à Paris (1972) et met en lumière le calvaire vécu par l’actrice Maria Schneider, alors âgée de 19 ans seulement. Bien avant l’émergence du mouvement #MeToo, Schneider dénonçait déjà les abus subis par les actrices dans l’industrie cinématographique.

Le Dernier Tango à Paris, réalisé par Bernardo Bertolucci, raconte la passion torride entre Paul, un veuf américain joué par Marlon Brando, et Jeanne, une jeune Parisienne incarnée par Maria Schneider. Le film est surtout connu pour une scène de sodomie non consentie, où Brando utilise une tablette de beurre comme lubrifiant. Cette séquence choquante, qui n’était pas dans le scénario original, a été improvisée par Brando et Bertolucci sans le consentement préalable de Schneider.

L’actrice a souvent parlé de cette expérience traumatisante comme d’un double viol, à la fois par son partenaire à l’écran et par le réalisateur. Les larmes que l’on voit dans le film étaient réelles, exprimant la rage et l’humiliation ressenties par Schneider. Cet épisode l’a profondément marquée, la conduisant à des périodes de dépression, d’addiction et même à une tentative de suicide.

La scène a suscité une indignation généralisée lorsqu’en 2016, des commentaires de Bertolucci ont refait surface. Le réalisateur admettait avoir voulu capturer une réaction authentique de Schneider en la gardant dans l’ignorance de l’utilisation du beurre. L’actrice Jessica Chastain a dénoncé cette séquence comme un viol planifié, reflétant l’opinion de nombreux professionnels du cinéma.

Avec Maria, Jessica Palud a voulu revisiter cette période sombre avec un regard moderne. Elle souligne que les paroles de Schneider dans les années 1970 résonnent étrangement avec les préoccupations actuelles sur le consentement et le traitement des actrices. En étudiant le scénario original du Dernier Tango, Palud a constaté que la fameuse scène n’était pas écrite, rendant encore plus glaçantes les annotations ajoutées en direct pendant le tournage.

Le film de Palud met également en lumière l’absence de réaction de l’équipe de tournage à l’époque, un comportement qui serait inacceptable aujourd’hui. La réalisatrice insiste sur l’importance de la complicité et du respect dans la création artistique, soulignant que les cinéastes peuvent obtenir des performances authentiques sans trahir leurs acteurs.

Maria Schneider, décédée en 2011, a souvent déploré le manque de rôles significatifs pour les femmes dans une industrie dominée par les hommes. Elle regrettait de se voir constamment proposer des personnages stéréotypés de folle, de lesbienne ou de meurtrière et espérait tourner avec des acteurs de son âge.

Maria offre une réévaluation nécessaire du tournage du Dernier Tango à Paris, mettant en lumière les abus subis par Maria Schneider et soulignant l’importance du consentement et du respect dans l’industrie cinématographique. Ce film est un hommage poignant à une actrice brisée par un système qui, à l’époque, faisait peu de cas de la voix des femmes.

Le long-métrage de Jessica Palud rappelle que les paroles de Maria Schneider, prononcées il y a plus de 50 ans, trouvent un écho particulier à notre époque. Elles témoignent de la nécessité de protéger les acteurs, notamment les plus jeunes et les plus vulnérables, tout en veillant à ce que leur consentement soit toujours respecté sur les plateaux de tournage.

En présentant Maria au festival de Cannes, Jessica Palud contribue à faire évoluer les mentalités dans le monde du cinéma. Son film est un appel à ne plus jamais tolérer les abus et les comportements toxiques qui ont trop longtemps été passés sous silence. Il invite à construire une industrie plus éthique, où le talent et la créativité peuvent s’exprimer dans un environnement sain et respectueux.

L’histoire de Maria Schneider est celle d’une actrice brisée par un système qui l’a utilisée et jetée sans ménagement. Maria lui rend justice en lui donnant enfin la parole et en faisant résonner son témoignage avec une acuité toute particulière en 2024. Ce film nécessaire est un pas de plus vers une industrie cinématographique plus juste et plus humaine.

Avec AFP

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