Sur fond de conquête spatiale, La Course des géants, pièce oscillant entre fiction et réalité, entre rêves et enjeux de puissances, a réussi à séduire la petite planète du théâtre parisien.

C’est bien les étoiles plein les yeux que les spectateurs ressortent du "Théâtre des Béliers Parisiens" situé dans le 18e arrondissement de la capitale française, après avoir assisté à la représentation de La Course des géants , deuxième pièce de la créatrice et dramaturge Mélodie Mourey. Cette fiction, inspirée des missions Apollo, relate la course aux étoiles sous le prisme de la vie d’un jeune homme à la poursuite de son rêve (ou plutôt que son rêve poursuit): devenir astronaute. En temps de guerre froide, le contexte implique certes de l’espionnage et de la rivalité entre les services de renseignement soviétiques et américains, mais aussi une certaine dose de romantisme découlant parfaitement de la lutte entre les idéaux en jeu à l’époque.

Si l’histoire a lieu dans un monde bipolaire, elle est principalement celle du rêve américain, de l’opportunité qu’a un homme de se saisir d’une seconde chance, de la faculté d’accomplir ses rêves après les avoir mérités, et surtout de la possibilité de réaliser l’impossible: viser la lune, tout simplement! Au niveau de Jack Mancini, le personnage principal, cela correspond à l’histoire d’un garçon remarquablement intelligent qui, malgré son travail de serveur dans une pizzeria, son passage en prison et le douloureux décès de sa mère célibataire et toxicomane, parvient, avec l’aide de son professeur, à intégrer la NASA, voire peut-être à sauver l’équipage de la mission Apollo 13

Le formidable jeu des acteurs

À part Jordi Le Bolloc’h qui interprète fidèlement le rôle principal, chacun des cinq autres acteurs joue plusieurs rôles différents (parfois plus de 5 pour un acteur), et ce, de manière prodigieuse, avec par exemple des changements de costume incroyablement rapides. Sont, entre autres, à saluer les interprétations exceptionnelles de Nicolas Lumbreras, dans des rôles plus hilarants les uns que les autres (pizzaiolo, supérieur hiérarchique à la NASA, reporter TV ou encore musicien improvisé), mais aussi d’Éric Chantelauze, qui joue le psy et le professeur de Jack. Les rôles féminins sont tout aussi admirablement joués par Anne-Sophie Picard, émouvante tant par ses dialogues que par ses chansons, sans tomber dans la niaiserie qui aurait pourtant pu être frôlée dans ce genre; et par Valentine Revel Mouroz, qui interprète à merveille le rôle de l’épouse du psy et dont les répliques arrachent très souvent des rires à l’assistance.

La mise en scène et les lumières allient technologie et poésie dans une ambiance tantôt cosmique et tantôt vintage à l’américaine des années 60-70, pour faire rêver sans pour autant tomber dans des excès d’effets spéciaux qui nuiraient à l’authenticité du théâtre. Quant à la musique, elle est saisissante d’humanité et d’espérance, particulièrement durant la scène où l’on entend en arrière-plan le célèbre discours de John F. Kennedy "We choose to go to the moon".

Source: Site internet du Théâtre des Béliers Parisiens

Vers les Molières et d’autres horizons?

Il faut dire que l’écriture de Mélodie Mourey est tout aussi intelligente qu’intelligible, et touche en conséquence le grand public, toutes générations confondues, que l’on soit né avant ou après la chute du mur de Berlin (*sur le plan de l’accessibilité il y a d’ailleurs un tarif spécial pour les moins de 26 ans). Après sa pièce précédente,  Les crapauds fous , qui lui avait valu 3 nominations aux Molières de 2019, nous souhaitons à Mourey, comme à sa troupe, d’être vivement récompensées lors de la 33e édition de la cérémonie qui aura enfin lieu dans les mois qui viennent, après une année de césure due au coronavirus.

Et ce, dans l’attente de voir peut-être un soir la pièce se jouer à Beyrouth – histoire de raviver au passage ne serait-ce qu’une petite comète d’espoir dans l’univers des Libanais qui, dans l’atmosphère ambiante, ne se refuseraient pas un léger moment d’apesanteur.

* Cet article est surtout adressé aux lecteurs parisiens d’Ici Beyrouth.