Certains sujets, grandement gênés par leur symptôme, s’adressent à des psys pour les en débarrasser. Que faut-il en penser?

Nous avons vu, dans le dernier article, que le symptôme joue un rôle indispensable de protection contre l’envahissement de la pulsion et de l’angoisse. Il est aussi un message à déchiffrer pour découvrir notre vérité intime. Chercher à s’en débarrasser n’éliminera pas pour autant la cause qui lui a donné naissance. Tant que celle-ci n’a pas été découverte, tenter de le faire disparaître par les techniques comportementalo-cognitives ou de déconditionnement s’avèrera vain: non seulement il réapparaîtra par la suite sous un autre déguisement qui le rendra méconnaissable, mais il exposera le sujet à la rupture d’un relatif équilibre psychique que le symptôme contribuait à maintenir tant bien que mal. Débarrasser un sujet, par exemple, de sa peur des animaux au moyen de méthodes prétendument scientifiques entraîne inévitablement l’apparition d’une crise d’angoisse et la fragilisation du sujet face à une situation devenue plus dangereuse.

Freud pensait que la différence entre la santé et la maladie psychiques n’est pas une différence de nature mais de degrés et que la santé psychique n’implique pas nécessairement l’absence de symptôme. Il écrivait que tout être humain garde en lui, de manière latente, des motifs susceptibles de produire des symptômes.

Parce qu’il est un langage, le symptôme n’interpelle pas uniquement le sujet mais également un autre que lui, dont il espère être entendu et qui l’aiderait à entreprendre l’aventure du déchiffrage archéologique. Cet autre, c’est le psychanalyste qui ne cherche pas à éliminer le symptôme, mais bien au contraire à aider un sujet à trouver en lui le désir de découvrir son sens au moment où il se considèrera prêt à le faire, et cela par l’intermédiaire d’une parole libératrice. Un psychanalyste ne se préoccupe nullement de vouloir "normaliser" un sujet, mais, par son écoute et son interprétation, celui-ci pourra cheminer vers l’exploration approfondie des multiples déterminations inconscientes à l’origine de son désir, et découvrir les accès possibles à d’autres sources de satisfaction beaucoup moins coûteuses en souffrances et en angoisse.

Quelle est la place du symptôme dans notre monde ultra moderne, ultra technicisé? Il doit être éliminé, décrètent les scientistes, parce que, d’après eux, il empêche une personne de fonctionner "normalement", c’est-à-dire de se conduire comme on attend d’elle qu’elle se conduise en se soumettant aux normes du biopouvoir omniscient, à consommer sans limites et à jouir d’objets devenus des besoins, quitte à devenir un objet pour elle-même et pour autrui et à solliciter… une thérapie!

Le poète et écrivain belge Henri Michaux nous offre un précieux conseil pour échapper au panurgisme et sauvegarder en chacun la part subjective, source de créativité: "Méfie-toi de l’adaptation, garde toujours en toi de l’inadaptation".