Certains sont devenus des icônes internationales, d’autres ont disparu dans l’oubli : l’exposition " Pharaons superstars ", qui s’ouvre mercredi au Mucem de Marseille, interroge les ressorts de la célébrité et de la postérité en parcourant 5.000 ans d’histoire, de l’Égypte antique à nos jours.

Durant 3.000 ans, l’Égypte a connu plus de 340 pharaons, mais seule une poignée d’entre eux, portés par des exploits militaires ou architecturaux — temples, pyramides ou statues monumentales — ou par le hasard de l’histoire sont arrivés jusqu’à nous. Avec parfois une image fabriquée ou déformée.

" Khéops, Néfertiti, Toutânkhamon, Ramsès sont aujourd’hui des noms familiers des milliers d’années après leur mort. Mais qui se souvient de Nectanébo, qui passait au Moyen âge pour le père d’Alexandre le Grand, ou encore d’Amasis, Psammétique ou Sésostris, célébrés en Europe au XVIIIe siècle ? Sans parler de Sesostris III ou d’Amenemhat III, vénérés par les Égyptiens du 1er millénaire ", constatent les égyptologues Frédéric Mougenot et Guillemette Andreu-Lanoë, commissaires de l’exposition, ouverte jusqu’au 17 octobre.

Et que dire aussi de ces pharaons maudits que les Égyptiens ont voulu effacer de leurs tablettes et monuments, mais dont l’existence a survécu à travers les siècles. Comme la reine Hatchepsout, qui avait créé un précédent risqué pour la transmission du pouvoir entre hommes, ou Akhenaton et son épouse Néfertiti, qui ont osé une réforme radicale de la religion et du pouvoir.

Quant à la reine Cléopâtre, souvent représentée à demi-dénudée dans l’exposition, elle fut dépeinte par les historiens romains comme séductrice et libidineuse, alors que le monde arabe classique voyait en elle une bâtisseuse et une savante.

" En travaillant sur cette exposition, on s’est rendu compte qu’elle représentait aussi une parabole, une métaphore sur la célébrité et la mémoire. Les célébrités d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui et peut-être pas celles de demain ", souligne Frédéric Mougenot, en pointant " l’ironie de l’histoire " ou encore " la chance " qui a placé en pleine lumière certains pharaons, sans lien forcément avec leurs mérites.

– Icône nationale en Égypte –

L’exposition devait initialement s’ouvrir en 2020. Retardée par le Covid, elle tombe finalement à pic, 2022 étant le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes, l’écriture de l’Égypte antique, par Jean-François Champollion, et le centenaire de la découverte du tombeau et des trésors de Toutankhamon.

Ses initiateurs proposent un parcours de 1.000 m2 en trois parties : la mémoire des pharaons dans la civilisation pharaonique, la représentation des pharaons jusqu’au XVIIIe siècle, fabriquée souvent à partir de textes gréco-romains ou de textes religieux, et enfin la révolution Champollion, qui a bouleversé notre vision de l’Égypte antique.

Des hiéroglyphes égyptiens à la musique pop en passant par les enluminures médiévales et la peinture classique, une grande variété de documents historiques sont présentés. Des objets antiques, mais aussi de consommation contemporaine témoignent de la popularité des pharaons et de leur image dans l’imaginaire moderne.

Parmi les plus belles pièces figure une statue du dieu Amon, statue à l’origine accompagnée d’une représentation de Toutankhamon avant que celle-ci soit martelée par les anciens Égyptiens pour effacer sa mémoire.

À voir également, un énorme poing provenant d’une statue colossale de Ramsès II, des manuscrits de Champollion, ou encore une tapisserie des Gobelins du XVIIe illustrant l’affrontement entre Moïse et Pharaon.

La fin du parcours montre la modernité de l’image des pharaons, utilisés dans la publicité pour vendre des savons, des machines à coudre, voire une moto. Une image également reprise dans l’art ou dans la politique, utilisée autant par le gouvernement égyptien comme icône nationale que par ses opposants, lors du printemps arabe, qui l’ont détournée avec le masque des " Anonymous " pour symboliser la colère du peuple.

Montée en partenariat avec le musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne, où elle sera présentée du 24 novembre au 6 mars 2023, l’exposition montre des œuvres provenant du fonds du Mucem, du Louvre d’Orsay, mais aussi de grands musées étrangers, anglais, belges, autrichiens et italiens.