Le long métrage d’Arnaud Desplechin plonge le spectateur dans un duel fratricide et dans un huis clos familial poignant. Les deux acteurs, Marion Cotillard et Melvil Poupaud, avaient été dirigés en duo par le même réalisateur dans Les Fantômes d’Ismaël en 2017 et Un conte de Noël en 2008. 

Un frère et une sœur frôlant la cinquantaine… Alice est actrice, Louis est professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps. Quand Louis croisait la sœur par hasard dans la rue, celle-ci ne le saluait pas et fuyait…Ils se livrent sans arrêt à une bataille de non-dits rengorgeant de haine et vont être amenés à se revoir lors du décès de leurs parents.

L’animosité les prend par les tripes.

Laver alors leur linge sale ? En famille. Ou seuls. “Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui s’est passé ?”, demande le père à sa fille sur son lit de mort. Silence. Justement rien. Ce trop-plein de riens qui rengorgent d’orgueil et se vident d’amour… Mutuellement désaimés, jour après jour, frère et sœur se séparent encore et encore, dans les petits détails, les grandes bagarres, les effleurements, les silences à fleur de peau.

Et puis, infaillible, redoutable, intrépide, inexplicable, inexprimable, vorace… la haine.

Comment en arrive-t-on seulement à ce stade ? Où se trouve la limite entre la bascule d’un instant où cet autre était tout pour nous et puis, tout d’un coup, un être mystérieux, moins bavard, moins tendre et moins contenant, un cachotier, un être à part, après une complicité fusionnelle. Après les jeux de gamins… les mains, les corps, les yeux s’évitent. Un adversaire.

Est-ce qu’on arrive à le saisir, ce moment futile où l’on sent que l’autre ne nous aime plus ? Ou pire encore, qu’on ne l’aime plus ?

Le fil du désamour et les toiles fragiles de l’incommunicabilité guident la cinématographie d’Arnaud Desplechin. Les rôles principaux de ses personnages sont accentués dans des émotions brutes, incontrôlées, des battements de cœur ou des syncopes qui raniment tout au long de la trame des relations toxiques. Le schéma narratif du film est fondé sur des flashbacks et des cercles vicieux aussi bien au sens figuré qu’au sens propre du terme. Un frère et une sœur se haïssant à cœur ouvert, frôlant un sentiment incestueux non verbalisé et ancré dans le passé ou le mythe. L’action du film évolue dans une succession de drames incessants en parallèle à ce lien et le dénouement se veut évolutif, libre, léger… alors que le spectateur demeure en suspens entre action, fiction, triste réalité de la vie et poids des relations familiales ou des liens enchevêtrés… Le film s’achève mais des scènes nous restent et nous hantent.