Sur Twitter, application qui semble décidément être appréciée de certains magistrats du giron présidentiel, le juge Jean Tannous a indiqué il y a quelques jours que les autorités judiciaires en France, en Allemagne et au Luxembourg ont gelé 120 millions d’euros d’avoirs monétaires et immobiliers après l’avancée des enquêtes relatives au présumé détournement de 330 millions de dollars de la Banque du Liban.

La MTV a révélé dans son bulletin de mercredi soir que ces gels sont intervenus à la demande du juge Tannous lui-même ; une demande qu’il aurait communiquée aux justices de tous les pays de l’Union européenne à travers l’agence Eurojust (une agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale). La justice suisse, principale intéressée, aurait refusé cette nouvelle demande, fondée sur de prétendus nouveaux faits allégués par le juge libanais mais rejetés par les Suisses.

L’agence Eurojust ainsi que le Parquet national financier en France (PNF) ont également médiatisé l’affaire sur leurs réseaux sociaux respectifs, le PNF soulignant que " plusieurs immeubles ont été saisis à Paris et à Bruxelles, ainsi que des comptes bancaires pour un montant total de 71 millions d’euros ". Ces 120 millions d’euros d’avoirs appartiendraient à cinq personnalités libanaises dont le gouverneur de la BDL Riad Salamé et des membres de sa famille. Concernant les avoirs français, la notification de ces gels aux personnalités concernées a été motivée par une demande émise " par la justice libanaise ", sans qu’en soit précisé l’auteur exact.

Un juge insubordonné  

Or, dans son reportage, la MTV a surtout dévoilé qu’en accomplissant ces démarches à l’international, le juge Tannous a enfreint les interdictions expresses et répétées de son supérieur hiérarchique, le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate. En effet, d’une part, ce dernier n’a pas lui-même émis la demande comme cela devrait être le cas (en sa qualité de chef du parquet libanais). Mais, en plus, depuis quelques semaines, le juge Oueidate aurait préalablement interdit à Tannous de voyager à Paris pour assister à des réunions de l’agence Eurojust. Plus précisément, doutant des qualités disciplinaires de Tannous, son supérieur hiérarchique aurait soumis l’accomplissement du voyage à la condition qu’il soit accompagné d’un autre magistrat, le juge Raja Hamouche. Tannous aurait ensuite obtenu d’Eurojust le refus de l’accès aux réunions de ce second accompagnateur, évènement qui aurait poussé Oueidate à annuler le vol solo du juge et exiger son retour immédiat de l’aéroport de Beyrouth sous peine de sanctions disciplinaires.

En amont de ces développements, et toujours selon les sources de la MTV, un autre juge libanais, le président Ghassan Khoury, avait révélé dans un autre cadre (en marge d’une réunion judiciaire en Belgique), que Jean Tannous avait une autre fois outrepassé ses prérogatives en demandant aux juridictions belges de geler les avoirs de Riad Salamé, sans que la justice libanaise ne l’ait officiellement décidé.

Il faut rappeler que l’ensemble de ces gels ne sont que des mesures provisoires, qui interviennent dans l’attente d’une décision de justice, et que les personnalités qui en font l’objet sont donc à ce jour toujours présumées innocentes.