La conjuration du Centre d’enregistrement des véhicules de Dekouané et du centre d’Ouzai pour l’immatriculation des véhicules est, de nouveau, freinée. Les milliards de livres libanaises dilapidés en raison de manœuvres illicites ne seront toutefois pas rendus aux caisses publiques. Sont accusés dans le cadre de cette affaire la directrice générale de la commission de direction du trafic routier, Hoda Salloum et environ 68 fonctionnaires, avec, cette fois encore, l’ombre de la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui plane.

Mardi soir, Mme Salloum a été arrêtée et son dossier transféré devant le premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, qui poursuivra les travaux d’investigation. Ce jugement se présente comme la conséquence de l’autorisation donnée le 8 novembre, par le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, d’engager des poursuites contre la directrice concernée et certains fonctionnaires pour négligence professionnelle. Trois jours plus tard, des bureaux de courtiers du Centre d’enregistrement des véhicules à Dekouané ont été perquisitionnés par la Sécurité de l’État, où de faux papiers d’assurance automobile ont été saisis.

La décision, prise mardi par l’avocate générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Nazek Khatib, concerne également des fonctionnaires impliqués, aux côtés de Mme Salloum, dans des affaires d’enrichissement illicite, de dilapidation de fonds publics et de détournement de frais d’enregistrement de voitures et de poids lourds. Toutefois, d’après les dires de Marwan Daher, avocat de Hoda Salloum, " la magistrate Khatib n’a aucune compétence en la matière ". Interrogé par Ici Beyrouth, M. Daher a confié que " le dossier qui se trouvait entre les mains du premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra depuis 2019, et a été retiré mardi, par Nazek Khatib, à la demande de Ghada Aoun ". Ce transfert est actuellement fortement contesté par l’accusée, qui a refusé de signer le procès-verbal d’arrestation, encouragée par son avocat.

Une copie de la demande du retrait du dossier du premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra, par l’avocate générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Nazek Khatib.

Ce dernier raconte qu’il y a deux mois, la directrice du département du trafic routier avait elle-même révélé l’affaire de détournements de fonds par certains fonctionnaires, qui vendaient des permis de conduire sans examens. Elle avait également découvert, en 2016, que des reçus fictifs d’enregistrement de véhicules avaient été délivrés par des fonctionnaires ayant détourné les montants perçus à leur profit. Le dossier avait été soumis au parquet financier. C’est la raison pour laquelle Mme Aoun n’avait aucunement le droit d’intervenir, la loi interdisant l’étude d’un même dossier par deux juridictions différentes. La procureure générale, qui multiplie ses infractions, faisait aussi l’objet d’un procès pénal, avec une plainte ayant été déposée contre elle par Mme Salloum pour " privation de liberté ". Ceci l’empêche par conséquent de statuer sur un dossier dans lequel elle est impliquée.

Pour rappel, Hoda Salloum a été nommée en mai 2014 à la tête de la commission de direction du trafic routier. Elle y a été reconduite en 2017, suite à la décision de l’ancien ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk, le temps qu’un successeur soit désigné. Dès lors, cette question n’a plus jamais été tranchée au sein du Conseil des ministres. En décembre 2019, Mme Salloum a été arrêtée pour abus de pouvoir et enrichissement illicite, avant d’être libérée sous caution le 23 janvier 2020.

En février 2020, elle est poursuivie pour négligence professionnelle qui aurait mené au gaspillage de fonds publics. Une accusation qui survient au lendemain de l’évocation par la Cour des comptes du manque de transparence de la gestion des contrats d’exploitation des parcmètres entre la Direction nationale du trafic routier et les municipalités. Mme Salloum est alors de nouveau arrêtée, sur la base d’un mandat de recherche émis par la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun. Hoda Salloum avait, pour sa part, également attaqué la juge Aoun en justice, considèrant que cette celle-ci tente de la faire arrêter pour la remplacer par une personnalité affiliée au camp politique dont elle est proche, à savoir le Courant patriotique libre (CPL).

Avec la multiplication des ingérences de la procureure générale dans des dossiers sur lesquels elle n’a plus autorité, l’on se demande si le pouvoir judiciaire ne dépend plus que d’elle.