Le grand écart entre Doha et Paris effectué dernièrement par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et ses navettes d’est en ouest ont coïncidé avec l’annonce par la société pétrolière française TotalEnergies et son partenaire italien ENI de la signature d’un accord-cadre avec Israël. À cet égard, inutile de mentionner le rôle joué par Doha entre Beyrouth et Washington concernant la question de la démarcation des frontières maritimes avec Israël, en marge de l’accord conclu entre la Russie et le Qatar au sujet du retrait de la compagnie russe Novatek du consortium des sociétés d’exploration et d’extraction de pétrole et de gaz, et l’acquisition par le Qatar de la part de Novatek (20 %) en plus des 10 % concédés par Total et ENI, à hauteur de 5 % pour chacune d’entre elles.

De plus, force est de constater que la signature de cet accord a également coïncidé avec la fuite d’informations selon lesquelles "plusieurs responsables qataris, qui entretiennent des relations étroites avec de hauts responsables de l’administration américaine, œuvrent pour une éventuelle levée des sanctions américaines contre Gebran Bassil". "Les responsables qataris, ajoutent les mêmes sources, ont enregistré des progrès à ce sujet, grâce au rôle joué par l’ex-président Michel Aoun dans le dossier de la démarcation des frontières avec Israël".

Au-delà de ces données, les médias proches du 8 Mars ont tenu à mettre en relief les gesticulations de M. Bassil à Paris concernant le dossier de la présidentielle, dans une tentative de mousser M. Bassil qui devait, selon les mêmes sources, "avoir une série de rencontres avec les responsables (français) concernés par le dossier libanais". Et les médias précités d’affirmer que "les Français espèrent, en accord avec le chef du CPL, élaborer une feuille de route au sujet de l’élection présidentielle, compte tenu des bonnes relations que M. Bassil entretient aussi bien avec le patriarche maronite Béchara Raï qu’avec le Hezbollah" !

Bien évidemment, tous ces développements ne peuvent pas être dissociés de la position récente du Hezbollah concernant l’élection présidentielle, et de l’attaque menée par ses responsables contre le soulèvement du 17 octobre 2019, et dans la foulée, contre les députés du "changement" qui ont rejoint le Parlement, justement grâce à ce soulèvement. Sans compter les critiques croissantes des Libanais contre ces députés en raison de leur incapacité à adopter une position claire et unifiée par rapport à l’échéance présidentielle.

Ces attaques sont menées conjointement par le Hezbollah et le Courant patriotique libre, qui mettent l’accent sur le rôle de la France, laquelle suit de près les médiations et les contacts en cours visant à résoudre la crise de la vacance présidentielle. Parallèlement, les médias proches de l’axe iranien s’emploient à mettre l’accent sur l’appui américain à Paris pour ce qui a trait au dossier libanais. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les contacts du président Emmanuel Macron avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman portant sur la question libanaise.

Il ressort de ces données, recoupées avec d’autres, que les efforts naïfs de certains députés, de même que les tentatives de se livrer à de la surenchère en attendant un compromis, ne sont pas à la hauteur des stratagèmes du Hezbollah. Ce dernier s’emploie notamment à instrumentaliser les démarches de Gebrane Bassil, à lui octroyer de nouveaux rôles, à soutenir ses efforts visant à blanchir son casier judiciaire au plan international, à préserver in fine sa présence sur la scène interne, afin qu’il puisse conserver ses privilèges.

Force est de constater qu’en substance, ces efforts visent à saper les fondements du soulèvement populaire, et recentrer exclusivement les équations politiques autour des instances dirigeantes actuelles, avec ses parties politiques qui jouent sur la fibre sectaire et confessionnelle afin de garder leurs privilèges et esquiver toute sanction pour leur corruption effrénée.

De plus, ces parties accentuent leurs efforts pour sauver leur réputation et blanchir leurs casiers judiciaires, dans le cas Gebran Bassil en particulier. Ce dernier pourrait se transformer d’obstacle en prélude à une solution, moyennant d’éventuelles promesses futures s’il facilite l’arrivée du président choisi par le Hezbollah, lequel sait exactement qui il veut porter à Baabda et comment arriver à ses fins.