Pas un mois ne passe sans que nous nous retrouvions acculés à commémorer un de nos martyrs.  Dieu sait qu’ils sont nombreux ! Les amis sont devenus des martyrs.

Aujourd’hui, c’est au tour de Pierre Gemayel, avec son rire débordant de vie et son combat pour le Liban dont il rêvait.

Combien de martyrs tombés pour le Liban devrions-nous encore pleurer ? Notre chute est plus que tonitruante. Nos divisions s’accentuent au fil du temps, emportant avec elles notre Liban rêvé.

En commémorant l’assassinat de Bachir Gemayel, la même question nous taraude d’année en année : et si Bachir était encore vivant ? En ce jour, en commémorant Pierre, la même question revient en force. Pierre était un chrétien rassembleur qui a payé son courage au prix de sa vie. Je connaissais bien Pierre et ses ambitions sans limites qui ont d’ailleurs causé sa perte.

En ce jour, je me souviens de nos échanges et de l’espoir qu’ils réveillaient en nous à chaque moment où nous nous trouvions en proie au désespoir. Sa force palliait nos faiblesses. Pierre était un meneur visionnaire. Il appartenait à une famille qui a donné un de nos plus grands martyrs. Une famille qui a constitué son modèle tout au long de sa vie.

Mais à quoi servent les mots en ce jour ? La blessure est béante. Comme celle de Patricia, qui souffre et résiste en silence, en dépit du poids de l’absence, afin de faire de tes deux enfants les hommes que tu aurais voulu voir grandir.

Pierre, le peu que l’on puisse dire est que nous allons mal. Le Liban va mal également. Ton assassin court toujours en toute impunité. De même que l’assassin qui a tué tes frères de combat de la révolution des Cèdres.  Tes camarades d’antan que comptait cette révolution se sont d’ailleurs dispersés, ou disputés. Rien de cela ne serait arrivé si tu étais encore parmi nous. Tu aurais fait face aux dissensions, tu aurais tout fait pour unifier les rangs. Beaucoup de si par-ci et de si par là, que nous répétons depuis que tu n’es plus.

Pierre, mon ami, tu me manques. Je t’imagine aujourd’hui aux côtés de Michel Mecattaf, qui s’est empressé de te rejoindre. Mais je me demande si vous souriez actuellement de là où vous vous trouvez, comme vous le faisiez lors de vos rencontres.

À moins que vous ne pleuriez vos rêves et les nôtres partis en fumée, ainsi que le pays souverain, libre et indépendant, pour lequel vous aviez tant combattu.

" Nous poursuivrons la lutte, Pierre ", comme vous l’aviez voulu Bachir et toi.

Nous poursuivrons jusqu’à ce que nous soyons à nouveau réunis.