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Des scénarios cousus de fil blanc… L’interminable série d’assassinats politiques qui ne cessent de miner et d’ébranler le pays depuis de nombreuses années est souvent accompagnée de récits rocambolesques, fruit d’une imagination très peu fertile. Ces récits ont généralement pour but de faire diversion pour réaliser des objectifs inavouables ou d’occulter les véritables commanditaires des crimes, lesquels se livrent dans ce genre de cas à la désinformation la plus sournoise.

En toute vraisemblance, la vérité (toute la vérité) sur le meurtre de Pascal Sleiman, responsable des Forces libanaises dans le caza de Jbeil, ne sera probablement pas entièrement dévoilée. Pour demeurer dans le "politiquement correct", il serait inopportun à ce stade de se lancer dans des accusations directes. Il est toutefois légitime de soulever certaines interrogations capitales sur les circonstances qui entourent ce crime et sa réelle portée. Au niveau, d’abord, de la version officielle, comment expliquer cette insistance dès le départ à pointer du doigt des Syriens, de manière aussi soutenue, sachant que dans ce genre de situation, ce n’est pas l’identité des exécutants sur le terrain qui compte le plus, mais plutôt celle des commanditaires?

Diversion préméditée ou manque de clairvoyance quant aux risques de dérapage sécuritaire incontrôlé, dus au vif ressentiment que manifeste une large partie de la population à l’égard des réfugiés syriens? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les autorités officielles font montre généralement de beaucoup plus de réserve et de prudence dans leur communication avec les médias.

Mais là n’est pas la seule incohérence dans la version officielle. S’il s’agissait réellement d’un gang de voleurs de voitures, pourquoi auquel cas tuer le conducteur? Force est de relever à cet égard que le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a souligné dans son communiqué que les ravisseurs ont "liquidé" la victime, ce qui implique un acte dûment délibéré et prémédité et ce qui exclut la version d’un décès dû à une bagarre. Pourquoi, par ailleurs, le corps a-t-il été transporté en Syrie et pour quelle raison les ravisseurs (qui ont été arrêtés au Liban!) ont-ils pris un tel risque, sachant que la frontière et les régions avoisinantes sont contrôlées, de part et d’autre, par le Hezbollah?

Comment ne pas être surpris, en outre, par les propos tenus par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah qui, quelques petites heures avant l’annonce de la découverte du corps, a tiré à boulets rouges sur les Forces libanaises et les Kataëb – et les chrétiens, d’une manière générale –, accusant les deux partis en question, dans son commentaire sur l’enlèvement de Pascal Sleiman, de chercher à entraîner le pays dans une guerre civile (!), oubliant sans doute que ce sont les Forces libanaises (FL) et le responsable FL qui sont la victime et qui sont, eux, agressés dans cette affaire…

La réaction sage et lucide du commandement des FL, après l’annonce de l’assassinat, a clairement infirmé les allégations du leader du parti pro-iranien et a évité au pays de glisser vers de graves troubles sécuritaires aux conséquences incalculables. Il reste qu’une réponse politique, pacifique mais implacable, devrait être trouvée sans tarder à cette situation de dégradation rampante qui frappe le Liban à tous les niveaux. Les assassinats, les actes de violence, l’insécurité, les menaces miliciennes et la stratégie de déconstruction qui vise les structures étatiques ainsi que les différents secteurs vitaux du pays, parallèlement à la guerre suicidaire et stérile qui détruit le Sud depuis six mois, sont le résultat direct de la prise en otage de la population libanaise par le camp pro-iranien, pour servir les desseins hégémoniques du régime des mollahs.

Face à une telle conjoncture destructrice, une urgence se fait sentir: la mise en place d’une dynamique dans l’optique d’une seconde révolution du Cèdre. Celle-ci devrait impliquer l’ensemble des formations et personnalités souverainistes, à l’instar de la vaste coalition transcommunautaire du printemps 2005, avec un seul objectif: faire échec aux tentatives du mini-État pro-iranien de défigurer le Liban et de consolider davantage son diktat sur le pays. Passage obligé de ce nécessaire sursaut national: mettre une sourdine aux petits calculs partisans et aux egos personnels surdimensionnés. C’est en s’engageant sur une telle voie que le courant souverainiste pourrait empêcher que les manigances miliciennes qui ont coûté la vie à Pascal Sleiman se reproduisent impunément encore et toujours…