A entendre le président syrien Bachar el-Assad et son ministre des Affaires étrangères Fayçal Mekdad commenter l’invasion russe de l’Ukraine, le premier de Damas et le second depuis Moscou, on croirait que le président russe Wladimir Poutine attendait le feu vert du régime syrien pour lancer son offensive contre l’Ukraine.

Blague mise à part, les propos des deux responsables syriens sont destinés à cacher certaines secousses dans les rapports entre Moscou et Damas, à cause de deux dossiers : le Captagon dont la production prospère en Syrie et les discussions à Genève, du Comité constitutionnel composé de représentants du régime d’Assad et de l’opposition syrienne.

Selon des informations parvenues à Beyrouth la semaine dernière depuis la capitale russe, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait convoqué son homologue syrien pour lui demander de transmettre à Bachar el-Assad l’irritation de Moscou face au développement de la consommation de Captagon parmi les soldats russes déployés en Syrie, ainsi que la position négative du président syrien par rapport à la tenue d’un nouveau round des réunions du Comité constitutionnel à Genève.

Selon les informations obtenues au sujet de l’affaire du Captagon, qui constitue une priorité pour Moscou, les dirigeants russes ont reçu des rapports alarmants concernant la consommation de cette drogue par nombre de soldats russes. Une drogue facilement accessible, apparemment fournie à ces militaires par la quatrième division de l’armée syrienne dirigée par Maher el-Assad, frère du président syrien.

Il semble que les effets de la consommation de Captagon par les soldats russes commence à se faire sentir au niveau de la discipline imposée par leur commandement militaire aux unités postées en Syrie depuis 2015, afin d’éviter la chute du régime Assad, après le soulèvement populaire de 2011. Tous les contacts effectués par le commandement militaire russe en Syrie afin de convaincre Maher el-Assad de ne plus exposer les soldats russes aux dangers du Captagon sont restés lettre morte. D’où la décision russe de convoquer Fayçal Mekdad à Moscou pour que Serguei Lavrov lui remette en main propre la lettre russe adressée directement au président syrien, lui demandant d’intervenir en personne auprès de son frère afin de mettre un terme à ses agissements.

A Moscou, on révèle que la même mise en garde au sujet du Captagon a été adressée par la Russie aux dirigeants du Hezbollah, compte-tenu du partenariat entre la formation pro-iranienne et Maher el-Assad au niveau de la production et du trafic de cette drogue.

Selon diverses informations de presse, ce sont les sanctions internationales, la loi César en particulier, qui ont poussé Bachar el-Assad à charger son frère cadet de protéger les usines de production de Captagon, en raison de l’importance des rentrées d’argent générées par ce trafic.

Le Hezbollah a quant à lui confié à Hassan Dekko, notoirement connu pour être le "roi du Captagon" au Liban – comme l’a du moins décrit le quotidien "al-Chark al-Awsat" – la gestion de l’empire du Captagon aux côtés de Maher el-Assad. Hassan Mohammad Dekko est un Syrien qui avait été naturalisé libanais en 2019, en vertu d’un décret (sous le mandat de l’actuel président de la République Michel Aoun).

Dans la même missive russe à Bachar el-Assad, Moscou fait part au président syrien de son refus de la position négative qu’il avait adoptée à l’égard de la mission de l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Geir Pedersen. Ce dernier avait été reçu à Moscou le 23 février pour un entretien avec Sergueï Lavrov avec qui il avait fait le point concernant la tenue d’un nouveau round de discussions au sein du Comité constitutionnel à Genève. Geir Pedersen avait proposé des discussions par étapes ce que l’opposition avait aussi contestée.