Des rumeurs circulent selon lesquelles " une guerre sécuritaire secrète semble poindre à l’horizon entre Israël et le Hezbollah et risque de dégénérer à l’ombre des développements régionaux et internationaux en rapport avec le dossier nucléaire et l’invasion russe de l’Ukraine ".

Les évènements auxquels nous assistons depuis plus d’une semaine n’ont laissé personne indifférent. Qu’il s’agisse de l’offensive russe contre l’Ukraine ou des négociations de Vienne, le monde assiste à un remaniement du paysage géopolitique. Cela est surtout inquiétant lorsqu’un pays comme le Liban, qui traverse une crise politique et économique aiguë, fait les frais de calculs politiques à l’échelle locale, régionale et transnationale. Compte tenu de ces faits et de ces développements, le Liban risque-t-il d’être entrainé dans un climat d’escalade ?

En première analyse, le pays des Cèdres n’a aucun lien direct avec les attaques russes en Ukraine ou les négociations de Vienne. En effet, aucune répercussion directe ne s’est faite ressentir au niveau de la dynamique politique locale, comme l’a expliqué un politologue proche des milieux de l’opposition à Ici Beyrouth. " Les effets de la guerre en Ukraine ou des négociations de Vienne apparaîtront peut-être à moyen terme, mais certainement pas dans l’immédiat ", précise-t-il. Et d’ajouter : " L’aventurisme n’est pas du tout au rendez-vous d’un point de vue local, car les chefs politiques ont eux-mêmes une attitude de réserve et tiennent à préserver un certain statu quo, renforçant leur image de leader. Ni Samir Geagea, ni Nagib Mikati, ni Walid Joumblatt, ni Saad Hariri – qui n’est pas actuellement politiquement actif – ne sont prêts à prendre position ; d’autant que le problème qui se pose aujourd’hui est d’ordre russo-occidental ". Et de poursuivre : " Si jamais des répercussions devaient se faire ressentir au Liban, elles se manifesteraient probablement par l’annulation des élections législatives ".

Cependant, d’aucuns pensent que le Liban est bel et bien plongé dans une ambiance propice à l’escalade, notamment avec Israël, du fait des circonstances régionales et mondiales. D’ailleurs, le quotidien al-Shark el-Awsat a mentionné dans son édition du 1er mars 2022 que l’Iran retourne aux négociations de Vienne avec un durcissement de sa position, ce qui implique intrinsèquement le Hezbollah, qui reçoit ses ordres du guide suprême iranien (le walih el-fakih), surtout lorsqu’il s’agit de stratégie de guerre ou de paix. C’est pourquoi, des sources très proches du parti chiite affirment qu’une escalade entre le Hezbollah et Israël risque de se produire " si l’accord sur le nucléaire est signé dans les prochains jours ". En outre, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a lui-même affirmé mardi, dans un discours prononcé à l’occasion de la 30e commémoration de l’assassinat de Abbas Moussaoui, que " les répercussions de cette guerre sont dangereuses pour le monde ", et qu’elles pourraient dépasser " le cadre d’un conflit russo-européen " et ouvrir la voie à " une troisième guerre mondiale ".

Plus encore, si les affrontements russo-ukrainiens venaient à s’achever en faveur de la Russie, cela renforcerait la position russe ainsi que celle de ses alliés, à savoir la Syrie, l’Iran, et bien évidemment, le Hezbollah. Ce cas de figure aurait pour conséquence de " raviver les tensions avec Israël, grand allié des États-Unis, et pourrait mener à des attaques militaires et sécuritaires au Liban et dans la région ", indique une source proche des milieux du parti chiite pro-iranien. Par contre, si le cas inverse venait à être réalisé, donc si l’Ukraine venait à sortir vainqueur de la guerre avec la Russie, " cela favorisera et renouvellera l’engouement pro-occidental, non seulement en Occident, mais aussi au Liban, avec un nouvel élan souverainiste, qui profitera au camp de l’opposition ; anciennement connue sous le nom de 14 Mars ", note le politologue précité.

Des répercussions sur la scène politique libanaise pourraient donc avoir lieu, surtout en la présence de trois éléments qui ont défrayé la chronique ces derniers jours. D’abord, par le " troc " qui s’est effectué entre la Russie et les Émirats arabes unis. La Russie a parvenu à faire classer les Houthis " organisation terroriste " par le Conseil de sécurité des Nations unies, et en contrepartie, les Émirats n’ont pas dénoncé la Russie auprès de l’ONU pour les offensives menées contre l’Ukraine. Ensuite, un commando israélien aurait récemment mené une opération visant un dépôt de drones relevant du Hezbollah et l’aurait détruit, comme le reporte un journaliste très proche du Hezbollah, cité par le site Asas Media, et qui indique que le Hezb n’aurait découvert l’opération contre le dépôt de drones qu’après le retrait du commando israélien. Enfin, la position du député du parti chiite, Hussein Hajj Hassan, par rapport au dossier de la délimitation de la frontière maritime. Ce dernier a déclaré que les " États-Unis exercent des pressions sur le Liban pour lui interdire de lancer la prospection gazière offshore  " et a affirmé que " le Hezbollah ne s’y soumettra pas ".

Toutefois, selon l’ancien député Farès Souhaid, il n’y a toujours pas eu de " vraie escalade entre Israël et le Hezbollah, depuis le 14 août 2006 (date de la résolution 1701) " car " les règles de confrontation entre les deux parties sont encore respectées. L’opération du commando israélien a été démentie plus tard pour ne pas manifester un signe de faiblesse. Sinon, le Hezbollah aurait été acculé à riposter, or il n’y a pas de décision de donner un coup de pied dans la fourmilière ".

Reste à espérer que cette volonté, apparente, de calmer le jeu sur le double plan régional et local se maintiendra contre vents et marées.