Le Hezbollah n’a pas tardé à retourner sa veste par rapport aux déclarations répétées de son secrétaire général Hassan Nasrallah concernant la délimitation des frontières maritimes et son respect des décisions prises par les autorités libanaises en la matière. La déclaration du chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohamad Raad porte un coup à cet engagement et place le Liban dans une position peu enviable, éloignant de plus en plus les possibilités d’extraire le gaz dans un avenir prévisible.

À ce titre, Raad avait déclaré : "Notre gaz restera enfoui dans nos eaux jusqu’à ce que nous empêchions Israël de forer dans nos eaux. Que l’ennemi et ceux qui sont en lien avec lui, fussent-ils médiateurs ou pas, sachent que les Israéliens ne seront pas en mesure d’explorer le gaz dans notre voisinage à moins que nous n’explorions le gaz et l’investissions à notre gré. D’ici là, qu’ils aillent se faire voir ailleurs" !

Ces propos signifient en premier lieu que la médiation d’Amos Hochstein est bel est bien enterrée et que son retour au Liban avec toute proposition sera dénué de sens. Les propos de Mohamad Raad laissent entendre que le Hezbollah refuse de partager les champs communs avec Israël ou même de les échanger.

De même, ce discours retire au président de la République le général Michel Aoun la carte des négociations qu’il avançait sur les encouragements de son gendre, le chef du Courant patriotique libre, Gebrane Bassil. Le président Aoun soutenait en effet que la zone disputée entre Israël et le Liban est délimitée entre les lignes 1 et 23. Le médiateur américain en avait été informé, ce qui a soulagé Israël, vu que la décision libanaise retirait le champ de Karish de la zone disputée et lui permettait de revendiquer les droits réclamés sur les blocs 8, 9 et 10.

Cette prise de position du Hezbollah survient après un silence douteux suite au renoncement à la ligne 29 par le pouvoir politique en dépit de l’insistance de l’armée sur la légalité et le droit du Liban sur cette ligne. Le Hezbollah n’avait pas réagi malgré les accusations et les insinuations de trahison contre lui et son principal allié, le président Aoun et le député Bassil. Le parti pro-iranien a préféré garder le silence à ce sujet malgré les informations qui évoquaient les tentatives d’échanger la ligne 29 contre la levée des sanctions américaines imposées au chef du Courant patriotique libre.

Les propos du député Mohamad Raad porteront un préjudice à la deuxième tournée d’attribution de licences pour l’extraction et l’exploration du pétrole et du gaz dans le reste des blocs libanais, y compris les blocs sud 8 et 10, placés par le Liban dans la zone disputée. En effet, les multinationales ne seront pas intéressées à entreprendre leurs travaux et à investir dans cette zone.

Par ailleurs, les propos de Mohamad Raad ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Israël pourra les exploiter dans une campagne de propagande en sa faveur, clamant à tort que le Liban "viole les droits israéliens" dans le champ de Karish qui se situe à l’extérieur de la zone disputée et définie par le Liban. Sachant que les Israéliens extraient le gaz d’autres gisements et le vendent alors que nous continuons à tourner dans ce cercle vicieux où tout s’achète et se vend pour servir les intérêts personnels.

De même, les déclarations de Mohamad Raad ont surpris son allié chrétien. Leur timing n’était peut-être pas fortuit non plus puisqu’il coïncidait avec l’arrivée de la délégation du Trésor américain au Liban et visait à dire que le marché sur les sanctions n’est pas à l’ordre du jour et nous ne payerons pas le prix de ce marché pour les beaux yeux de qui que ce soit.