Le chef du gouvernement libanais, Najib Mikati, a exprimé son ras-le-bol face au "populisme" et aux priorités électorales de certains, faisant feu de tout bois dans une déclaration coup de gueule.

Pour le Premier ministre libanais Najib Mikati, la mise en scène entourant le rejet en commissions parlementaires, lundi, du projet de loi sur le capital control, a été la goutte de trop. Plus que les observations formulées par les détracteurs parlementaires du texte, sur le fond et la forme, c’est surtout l’emphase mise sur ses imperfections, notamment par les présidents des deux commissions parlementaires des finances et du budget, Ibrahim Kanaan, et de l’administration et de la justice, Georges Adwane, ainsi que par le mouvement Amal, qui l’a profondément irrité.

Une emphase qui se justifie selon lui par une volonté politique de gagner en popularité à l’approche de la date des élections parlementaires, le 15 mai 2022, au même titre que la campagne politico-juridique menée avec acharnement contre le secteur bancaire et le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé. Sachant qu’au niveau du dossier bancaire, il n’y a pas que le souci de popularité, mais une volonté politique plus sournoise, qui motive la chasse aux sorcières lancée par le camp présidentiel contre le secteur bancaire.

Dans une déclaration coup de gueule au terme de la réunion du Parlement, le Premier ministre a lancé des critiques et des messages dans plusieurs directions, en stigmatisant un climat général dans le pays qui empêche, selon lui, son gouvernement de mener à bien sa mission qui consiste à freiner la détérioration économique et financière et à mettre en place un plan de redressement avec le concours du Fonds monétaire international.

"Grâce aux signes qui nous parviennent de l’étranger et aux entretiens que nous avons durant nos tournées en dehors du Liban, nous avons perçu un appui énorme au pays et une volonté de l’aider. Cependant, au niveau interne, nous constatons un véritable désordre et des tentatives de certains de tout exploiter à des fins électorales, tantôt de la part d’un camp hostile au régime, tantôt de de la part d’un autre opposé au gouvernement et qui n’arrête pas de l’attaquer", a-t-il lancé, sans préciser à qui s’adressent ces reproches, mais en soulignant que "le grand perdant reste le Liban".

Ce qui est sûr, c’est que Najib Mikati a mal encaissé les critiques parlementaires associées au rejet du projet de loi sur le capital control, comme en témoignent ces propos. "Au lieu que le gouvernement et le Parlement œuvrent ensemble pour sortir le pays de la crise dans laquelle il se débat, nous assistons à des attaques inutiles. Hier (lundi), j’ai entendu les propos qui se sont tenus au sujet du gouvernement et de la nécessité de lui demander de poser la question de confiance. Je me suis dit: pourquoi pas? Nous n’avons rien à cacher. Nous sommes disposés à parler en toute transparence et à exposer les problèmes dont nous souffrons. Si le Parlement est prêt à collaborer avec nous, ce serait fondamental parce que le pays a besoin des efforts de tous", a poursuivi le chef du gouvernement dont les propos recelaient une menace à peine voilée d’exposer, non pas les difficultés économiques et financières dans le pays, mais les manœuvres politiques qui empêchent un règlement de ces difficultés, deux ans après l’effondrement du pays. "Nous ne pouvons pas régler nos problèmes avec les procédés populistes auxquels nous assistons", a-t-il tonné, en insistant sur le fait que la situation au Liban "n’est pas saine".

Concernant le texte de loi sur le capital control, le chef du gouvernement a expliqué qu’il avait été soumis il y a deux mois au Parlement, en tant que proposition de loi. "C’est le Parlement lui-même qui avait à l’époque requis les remarques du Fonds monétaire international (FMI). Ce sont ces remarques que nous avons ajoutées à la proposition de loi, puis la Chambre nous a demandé de lui soumettre le texte en tant que projet de loi présenté par le gouvernement. C’est ce que nous avons fait", a-t-il dit, en se disant prêt à "rendre compte de toute action" de son équipe.

Et c’est en réponse à une question que Najib Mikati a assuré qu’il ne démissionnera pas. "Une des missions du gouvernement est d’organiser la tenue des législatives. Je ne peux pas me laisser entraîner vers une démission qui servirait de prétexte pour faire sauter le scrutin. Je ne serai pas la cause d’un torpillage des élections", a-t-il insisté.

Ce discours explique les raisons pour lesquelles le Premier ministre a demandé à l’ouverture de la réunion parlementaire que celle-ci soit transformée en débat de politique générale et que la Chambre demande au gouvernement de poser la question de confiance, au grand dam d’un Nabih Berry qui a sèchement répliqué: "Je n’ai reçu aucune demande pour la convocation d’un débat de confiance et je n’ai pas le temps pour ces histoires."

De sources ministérielles citées par l’agence locale Al-Markaziya, on indique que M. Mikati reste déterminé à obtenir la tenue d’un débat de confiance au cours duquel tous les dossiers soulevés dans le pays seront mis sur le tapis pour que chacun expose ses positions, suite à quoi le gouvernement posera la question de confiance. Et pour cause: cette situation malsaine dans le pays ne peut plus durer, souligne-t-on de mêmes sources, en relevant les tiraillements et les surenchères politiques face à chaque projet de réforme proposé par le cabinet. Chassez le naturel, il revient au galop, est-on tenté de dire: la classe politique, décriée par la population à la faveur du soulèvement du 17 octobre 2019, en raison de sa responsabilité dans l’effondrement du pays, est toujours résolue à empêcher toute réforme qui affaiblirait son contrôle de l’État. De même sources, on constate ainsi qu’avec l’approche des législatives, divers dossiers sont abordés dans un souci d’exploitation électorale, au niveau rhétorique seulement, comme rien ne se fait pour lancer les réformes exigées par la communauté internationale.