C’est un avatar de la très soviétique agence de presse TASS, mais à l’ère de l’internet et des bouquets satellitaires: la chaîne de télévision russe Russia Today (RT), accusée par ses détracteurs d’être un porte-voix du Kremlin et championne de la désinformation pour le demeurant, a été interdite de diffusion par Berlin dans sa version allemande. L’annonce tombe dans un contexte de tensions déjà vives entre Occidentaux et Moscou sur l’Ukraine.

RT et les autorités russes ont vivement réagi à cette décision. Le ministère des Affaires étrangères a assuré qu’il allait prendre des " mesures de représailles à l’encontre des médias allemands accrédités en Russie ". " C’est n’importe quoi ", a réagi sur Twitter la patronne du média, Margarita Simonian, ajoutant que sa chaîne " ne cessera pas de diffuser " en Allemagne.La diffusion de " RT DE ", entrée en service le 16 décembre et déjà privée de distribution satellitaire, " doit cesser " car " l’autorisation nécessaire selon le droit des médias " n’a été " ni demandée ni accordée ", a de son côté souligné dans un communiqué le régulateur allemand des médias ZAK. RT Allemagne a d’abord essayé, via sa holding, de se faire enregistrer au Luxembourg, mais sans succès. Du coup la chaîne s’est rabattue sur une licence dont le groupe dispose en Serbie, une démarche que ZAK ne reconnaît pas. Le programme de RT DE était encore jusqu’ici accessible sur son site internet et une application mobile, Youtube ayant de son côté suspendu le compte en allemand de Russia Today dès le jour de son lancement.

RT a annoncé sur son site web un recours en justice contre la décision, prise " apparemment pour des raisons purement politiques ". L’Allemagne " fait tout pour interdire un point de vue alternatif ", ce qui " viole les principes de la liberté d’expression ", a commenté à l’agence de presse russe TASS Vladimir Soloviev, le président du syndicat russe des journalistes.

L’arrêt de diffusion par satellite du 22 décembre sur demande de l’Allemagne, jugé " illégal " par RT, avait déjà entraîné des menaces de représailles de la part de Moscou.

Mise en service en 2005 sous le nom de " Russia Today ", RT, financée par l’Etat russe, s’est développée avec des diffuseurs et des sites web en plusieurs langues, notamment en anglais, français, espagnol, allemand et arabe. L’interdiction en Allemagne intervient dans un contexte de très fortes tensions entre la Russie et les Européens sur le dossier ukrainien, les Occidentaux soupçonnant Moscou de vouloir envahir l’Ukraine.

Berlin a menacé de sanctions sévères en cas d’attaque de l’Ukraine par l’armée russe, avec notamment le gel du gazoduc germano-russe Nord Stream II passant par la mer Baltique. Sa construction est terminée mais il n’a toujours pas été mis en service là aussi pour des questions juridiques. Ces frictions s’ajoutent à une série de contentieux germano-russes, notamment en matière d’espionnage.

Dans le même temps, l’Allemagne, qui achète 55% de son gaz à la Russie, doit faire face aux critiques de l’Ukraine et de certains de ses alliés occidentaux pour une proximité jugée trop forte avec Moscou.

Considérée par ses détracteurs comme un outil de propagande du Kremlin à l’international, RT a suscité la controverse dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, où elle a dû s’enregistrer en tant qu' "agent étranger ".  Au Royaume-Uni, les autorités ont menacé de lui retirer sa licence de diffusion et elle a été interdite par plusieurs Etats, notamment la Lituanie et la Lettonie.

Avec AFP