Washington serait sur le point de retirer le Corps des gardiens de la Révolution islamique en Iran (CGRI), connu sous le nom de Pasdaran, un groupe paramilitaire qui constitue l’armée idéologique du pouvoir iranien, de la liste noire des organisations terroriste. C’est un des derniers obstacles à surmonter pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien, un geste avant tout symbolique, mais politiquement à hauts risques pour Joe Biden.

L’information a été publiée par le site d’information américain Axios, qui cite les propos de trois responsables officiels israéliens et deux responsables américains. Le site affirme que cette décision fera partie de l’accord sur le nucléaire iranien en cours de négociation actuellement à Vienne.  Les Etats-Unis ont jugé mercredi qu’un compromis était " proche " pour sauver l’accord, notamment après plusieurs signaux positifs, dont la libération de deux Irano-Britanniques retenus en Iran depuis plusieurs années.  " Nous sommes proches d’un possible accord, mais nous n’y sommes pas encore ", avait déclaré mercredi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

Téhéran assure qu’il ne reste plus que " deux sujets " à régler avec Washington: les " garanties économiques ", qui protégeraient le pays de sanctions internationales et le contentieux sur les Gardiens de la Révolution, dont l’Iran demande le retrait de la liste noire, d’après une source proche du dossier.

L’annonce a déclenché une réaction prompte de la part d’Israël qui a exhorté vendredi les Etats-Unis à laisser les Pasdaran sur leur liste noire.  " Le Corps des Gardiens de la révolution islamique (…) a assassiné des milliers de personnes, dont des Américains. Nous refusons de croire que les États-Unis leur retireraient la désignation d’organisation terroriste ", ont déclaré dans un communiqué commun le Premier ministre israélien Naftali Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yaïr Lapid.

Hezbollah, Jihad islamique et Houthis

Israël et l’Iran sont des ennemis jurés. Israël, considéré par les experts comme la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient, accuse l’Iran de chercher à se doter de l’arme nucléaire, ce que ce pays dément.  " Nous pensons que les États-Unis n’abandonneront pas leurs alliés les plus proches en échange de promesses vides de la part de terroristes ", ont affirmé MM. Lapid et Bennett, accusant les Gardiens de la révolution " d’être le Hezbollah au Liban, le Jihad Islamique à Gaza, les Houthis au Yémen et les milices en Irak ".

L’Etat hébreu est hostile à un retour à l’accord sur le programme nucléaire iranien de 2015, qui avait permis la levée de sanctions contre l’Iran en échange de limites à son programme nucléaire censées empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.

Théoriquement, il ne s’agit pas d’une sanction liée au nucléaire, mais Téhéran estime qu’elle n’aurait pas été prise sans le retrait américain de l’accord de 2015 et qu’elle doit donc être effacée.
Entre les lignes, le communiqué de l’Etat hébreu suggère, pour s’en alarmer, qu’un compromis est bien sur la table à Vienne. " Nous avons du mal à croire que la désignation des Gardiens de la révolution comme organisation terroriste sera annulée en échange d’une promesse de ne pas porter atteinte aux Américains ", écrivent ses dirigeants.

La droite américaine, et plus largement les élus qui affichent la plus grande proximité avec Israël, multiplient aussi les mises en garde.  " Tout accord qui enrichirait les terroristes iraniens ne durera pas ", a lancé l’ex-secrétaire d’Etat Mike Pompeo, se targuant d’avoir, avec Donald Trump, " mis l’Iran au pas ". " Nous l’avons fait avant et le referons ", a-t-il prévenu.

Face à cette levée de boucliers, le gouvernement américain reste muet.  Son dilemme est d’autant plus délicat que l’accusation de terrorisme à l’encontre de cette armée fait quasiment l’unanimité à Washington. Cette entité, soutien-clé d’autres bêtes noires des Etats-Unis comme le Hezbollah libanais, les Houthis yéménites ou encore certaines milices irakiennes, est jugée responsable de nombreuses attaques contre des soldats ou intérêts américains au Moyen-Orient.

" L’objectif numéro un des Etats-Unis au sujet de l’Iran est que l’Iran ne possède jamais une arme nucléaire ", a rappelé vendredi le général Kenneth McKenzie, chef des forces américaines au Moyen-Orient. " Toute solution qui l’en empêche contribue à la sécurité régionale ", a-t-il ajouté devant la presse.  Pressé de questions sur la possibilité de voir les Gardiens de la révolution quitter la liste noire, il a souligné que cela " ne changerait pas grand chose " d’un " point de vue opérationnel " et au sujet de la manière dont Washington voit " la menace " qu’ils représentent.

Plusieurs experts assurent que même si l’administration Biden devait faire cette concession à Téhéran, les " Gardiens " et leurs dirigeants resteraient sous le coup d’autres sanctions.  " C’est une situation où la politique semble l’emporter sur le fond ", déplore Barbara Slavin, du cercle de réflexion Atlantic Council, qui estime que le sauvetage de l’accord de 2015 vaut bien la levée de cette sanction.  " Je pense que les détracteurs de l’accord se sont jetés sur ce sujet dans une dernière tentative pour empêcher de le ressusciter ", estime-t-elle.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), gendarme onusien du nucléaire, l’Iran enrichit l’uranium à un taux de 60%, proche des 90% nécessaires à la confection d’une bombe et a poursuivi ses avancées parallèlement aux pourparlers à Vienne.  
Les Gardiens de la Révolution ont revendiqué des tirs de missiles au Kurdistan irakien le 13 mars, affirmant avoir ciblé un " centre stratégique " israélien et menaçant l’Etat hébreu de nouvelles opérations " destructrices ".
Avec AFP