S’il n’y avait pas eu la déclaration du secrétaire général de l’Otan mercredi, on aurait pu penser que le conflit ukrainien entre dans sa phase finale.
N’ayant pas pu avoir une victoire éclair, l’armée russe se voit donc dans l’obligation de se retirer vers l’Est et tenter de sauver la face en jetant son dévolu sur le Donbass. La Russie dispose déjà d’une partie de ce territoire sous forme de deux " républiques " séparatistes. Si Moscou réussit à occuper le reste, elle assurera une sortie honorable et une carte supplémentaire en main pour mener des négociations.
Seulement voilà, Jens Stoltenberg, le chef de l’Alliance atlantique, n’était pas du même avis, tout comme la majeure partie des pays membres avec les Etats-Unis en tête. En effet, le théâtre du Donbass sera difficile à investir. Les forces ukrainiennes s’y trouvent depuis longtemps, 2014 exactement, et en grand nombre.
Il ne faut pas oublier que les deux oblasts (régions, division administrative en Ukraine et en Russie) de Donetsk et de Lougansk étaient déjà, avant l’invasion, le front qui sépare les deux armées. Les forces ukrainiennes y sont aguerries et leur résistance pourra donner du fil à retordre à Vladimir Poutine.
Déjà, les Ukrainiens ont prouvé, à la surprise générale, leur unité et leur détermination à défendre cher et efficacement leur terre natale. Les fronts de Kiev et surtout ceux de Kharkiv et de Marioupol l’attestent.
Mais la résistance ukrainienne est une arme à double tranchant: elle leur permet de défendre la patrie, mais elle incite également l’ennemi à s’acharner davantage, avec tout ce que ceci peut générer comme destruction et exactions.
L’ours blessé perdra ses nerfs et pourra commettre des atrocités. Ce sont les premières leçons tirées de la découverte du charnier de Boutcha. Peu importe ce que l’avenir et les enquêtes décideront quant à l’auteur de ce massacre, qui, pour beaucoup, est déjà bien désigné. La guerre a atteint une nouvelle phase de férocité, formule élégante pour éviter le terme barbarie, qui porte un très funeste présage.
L’Otan parle de mois, voire d’années…
Les autorités ukrainiennes, qui craignent une offensive russe de grande envergure dans l’est, sur les zones qu’elles contrôlent près de la frontière russe, a appelé la population civile de ces régions à évacuer pendant qu’il en est temps, sous peine de " risquer la mort ", selon les mots de la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk.
Le conflit ne donne aucun signe d’affaiblissement, et l’Otan y est revenue à l’occasion d’une réunion qui s’est ouverte mercredi à Bruxelles des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l’Alliance.
" La guerre peut durer longtemps, plusieurs mois, voire des années. Et c’est la raison pour laquelle nous devons être préparés à un long parcours en ce qui concerne le soutien à l’Ukraine, le maintien des sanctions et le renforcement de nos défenses ", a déclaré en ouverture son secrétaire général Jens Stoltenberg.
L’Otan n’intervient que pour défendre ses membres. L’Ukraine n’en est pas membre, mais rien n’empêche les trente pays de l’Alliance de lui apporter une aide.
Un petit groupe de soldats ukrainiens qui se trouvaient aux Etats-Unis avant l’invasion russe de l’Ukraine sont ainsi formés au maniement des drones tueurs Switchblade que Washington fournit à Kiev, a indiqué mercredi un responsable du Pentagone.
Et le Portugal a annoncé qu’il allait envoyer " prochainement " du matériel militaire supplémentaire à l’Ukraine.
Sanctions " dévastatrices "
Le choc indélébile de Boutcha
" Nous ne pouvons tolérer aucune indécision après ce que nous avons traversé ", a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, s’adressant au Parlement irlandais.
Il faisait allusion aux accusations portées contre la Russie d’exactions sur les populations civiles, notamment dans la ville de Boutcha, près de Kiev.
M. Zelensky a fait projeter aux diplomates des images dramatiques montrant, selon Kiev, de nombreux cadavres des victimes civiles de violences filmées dans des localités récemment évacuées par l’armée russe.
Des accusations rejetées par Moscou, Vladimir Poutine dénonçant mercredi une " provocation grossière et cynique " de l’Ukraine à Boutcha.
Mais l’Allemagne, très dépendante du gaz russe, a estimé que la thèse de Moscou d’une mise en scène ukrainienne n’était " pas tenable " au vu des photos satellites qui ont été diffusées.
Le Donbass en ligne de mire
Sur le terrain, Moscou poursuit sa nouvelle stratégie : concentrer les efforts sur le Donbass, le vaste bassin minier de l’est de l’Ukraine en partie aux mains depuis 2014 de séparatistes prorusses.
Les forces russes consolident leurs positions sur la bande côtière le long de la mer d’Azov, dans le sud de l’Ukraine, pour relier les régions du Donbass à la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014.
Les combats se concentrent sur la ville portuaire de Marioupol. Quelque 120.000 de ses habitants y sont coincés, selon les autorités, et les évacués, après un éprouvant voyage de 200 km, se retrouvent dans des centres d’accueil à Zaporojie, dans les terres, où un convoi du CICR est arrivé mercredi avec plus de 500 réfugiés.
Des personnes arrivées auparavant ont raconté à l’AFP l’enfer de Marioupol, comme Angela Berg, 55 ans, qui a tout laissé dans cette ville, y compris sa mère, trop âgée pour le périple.
Les frappes aériennes russes ont au total atteint 24 sites militaires ukrainiens, selon le ministère.
Avec AFP