2-1- Marion, Dinah, Kevin, Jonathan et tant d’autres…

Le 13 février 2013, en France, Marion, une adolescente de 13 ans, se suicide par pendaison. Sa famille, déconcertée, n’en comprend pas les causes. Ils en sont informés à la suite de la publication de la nouvelle dans un journal sous le titre: "harcelée à en mourir". On avait retrouvé une lettre dans laquelle elle dénonçait les fréquentes insultes et humiliations subies. Elle y cite: " faux-cul, sale pute, salope, etc.). Incomprise, seule avec ses souffrances et ses tourments, sa vie a dérapé. Sa mère se souvient alors des plaintes de sa fille et de sa demande refusée de changer de classe. La veille de son suicide, Marion avait avoué à sa mère qu’elle allait mal: ayant reçu des menaces de mort, elle avait demandé l’aide d’adultes en qui elle avait confiance, mais qui s’étaient abstenus d’intervenir. Elle avait été déçue de découvrir que ses amies se jouaient d’elle. Mais, mis à part cette confidence, Marion ne montrait pas son supplice à la maison. Elle avait pendu symboliquement son téléphone comme si elle mettait aussi à mort l’instrument de son désespoir, devenu son ennemi, puisqu’elle était harcelée jusqu’à son refuge intime par les menaces et insultes sur les réseaux sociaux.

En octobre 2021, une autre adolescente de 14 ans, Dinah, a été, elle aussi, retrouvée pendue. Sa mère la décrit comme une jeune fille qui aimait la vie, mais qui, graduellement, pendant des années, était devenue le bouc émissaire des élèves qui la harcelaient au point que sa vie était devenue un enfer quotidien. Elle était victime de moqueries, d’injures, de propos racistes. Sa sexualité était l’objet de rumeurs humiliantes. La famille avait entrepris des démarches auprès des enseignants et des responsables scolaires, mais en vain.

Un autre adolescent de 19 ans, Kevin, revient sur le harcèlement dont il a été victime: moqueries et insultes, tabassages, humiliations, chantages. S’étant confié à ses parents, ceux-ci n’y ont pas accordé d’importance. Il s’est retrouvé seul et a commencé à se scarifier jusqu’à l’addiction. Face aux agressions, il demeurait passif. Aucun endroit n’offrait de refuge, les tags sur les murs de l’école, sur son trajet quotidien, et même sur les murs du métro, le nommaient et raillaient son orientation sexuelle. Ayant consulté un médecin, celui-ci lui a prescrit des anxiolytiques dont il est devenu dépendant. Il s’est alors réfugié dans l’alcool et les drogues, s’est isolé dans sa chambre, puis a fait une première tentative de suicide. Interné en hôpital psychiatrique pendant deux semaines, il est ensuite retourné à l’école et s’est retrouvé de nouveau la proie des harceleurs. Il a décidé de réagir et persuadé des élèves témoins de son harcèlement de confirmer ses accusations en conseil de classe. Bien qu’il ait obtenu le renvoi des coupables, les mêmes conduites insultantes et humiliantes s’étaient poursuivies. Il a alors compris que la passivité est une mauvaise solution et décidé de réagir de manière beaucoup plus combative, en rendant coups et insultes. Il a adhéré à un groupe de jeunes auprès desquels il a trouvé soutien et solidarité. Petit à petit, il a repris confiance en lui et entrepris d’aider, à son tour, les jeunes qui vivent le même enfer quotidien. "J’ai compris, dit-il, que garder le silence est dangereux et que parler est libérateur".

Le 23 août 2022, le journal Le Monde publie le titre suivant: "Jonathan Destin, figure de la lutte contre le harcèlement scolaire, est mort à 27 ans". Sa mère déclare : "Son cœur était fatigué, il a eu trop de souffrances, trop de soins, il s’est éteint dans son sommeil".

Depuis le début de son adolescence, Jonathan était la proie de harceleurs. Il a supporté toutes sortes de brimades et d’agressions quotidiennes pendant six années. En février 2011, à 16 ans, parvenu à bout, il s’immole par le feu puis se jette dans un fleuve. Secouru, il est plongé dans un coma artificiel durant deux mois et demi, hospitalisé durant trois ans et subit de multiples opérations réparatrices.

Malgré les cruelles séquelles de cette tentative de suicide, il s’attelle à la publication d’un livre qu’il intitule Condamné à me tuer. Dans ce livre, il raconte son histoire et comment il est parvenu à se convaincre que "mourir était la seule solution". L’ouvrage a été adapté en un long métrage pour la télévision sous le titre Le jour où j’ai brûlé mon cœur. Jonathan se consacre ensuite à la sensibilisation des enfants et des parents en dénonçant le harcèlement dans les écoles afin d’épargner aux élèves les souffrances qu’il a traversées.

Voici ce qu’il a confié à une chaîne locale de télévision: "Ça a commencé en CM2, à l’âge de 10 ans, par de petites brimades, de petites insultes. En 6e, c’est allé de plus en plus fort: des coups de compas dans le dos, des claques sur la tête quand j’allais chez le coiffeur, des bagarres en récréation. Ils étaient tous contre moi. Ça s’est encore intensifié pour aller jusqu’au racket. J’ai été dans le privé en pensant que ça serait mieux que le public, mais en fait non. Pas du tout, car c’est là que le racket a commencé. Le jour où je me suis immolé par le feu, j’ai immédiatement regretté mon geste, quand j’ai senti la douleur et compris que je pouvais mourir. J’ai pensé à ma famille."

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