Demain, la ville sera feu, flammes, fêtes, joies, grandeur et décadence. Demain, la ville sera à nous, offerte, accueillante, elle nous fera vibrer. Elle sera paillettes, poudre aux yeux, feux d’artifice, chaleur humaine. Nos cœurs battront au rythme des percussions de la derbakké, nos jambes impatientes danseront méthodiquement, parfaitement synchronisées, une dabké communicative et endiablée. Et nos pieds frapperont le sol ! Et nos mains agiteront les masbahas dans les airs ! Et nos bouches chanteront, nos accents séduiront, nos " r " rouleront et nos gorges riront, déployées vers le ciel et notre avenir ! Demain, la ville de Beyrouth nous laissera nous envoler vers les sommets, dépasser les montagnes, survoler la Méditerranée scintillante, parée de sa belle robe azur, sur laquelle se déroulent les vagues gracieuses.

Car demain, pour nous, c’est l’ascension et la liberté qui sont notre promesse.

 

Mes amis et moi sommes libanais, d’ici même. Des gamins de Beyrouth. Et demain, nous serons officiellement diplômés. Tous les trois avons travaillé durement, pour obtenir le précieux sésame, le baccalauréat. Ce diplôme si banal, mais pour nous si précieux. Celui dont nos parents ont été privés, à l’époque. Celui qui fera de nous des hommes autonomes, fiers, indépendants. Celui que nous irons brandir sous les yeux humides de nos mères et qu’elles agiteront, victorieuses, sous le nez des voisines de l’immeuble. Celui qui nous vaudra bien les deux claques fermes, mais douces de nos pères sur nos épaules devenues matures.

Demain, nous ne serons plus des enfants de la ville, mais des enfants de la vie, ainsi que le poète l’a écrit.

 

Beyrouth est notre ville, notre maison, notre seconde mère. Elle est aussi bouillante qu’elle n’est discrète, aussi intrépide qu’elle ne sera jamais tranquille, elle se voudrait aussi neutre qu’elle n’est singulière. Elle est cosmopolite, chaleureuse, gourmande, parfumée, secrète. Elle a autant à nous offrir qu’elle peut nous prendre. Elle est aussi solide que facile à démolir, aussi protectrice que dangereuse. Beyrouth est autant mon passé que mon instant présent. Et avec ce diplôme en poche, elle deviendra le théâtre de mes accomplissements futurs. Beyrouth… malheureusement, demain, ma ville, tu ne croiras plus en aucun avenir.

 

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