Graffiti après graffiti – ou l’art de s’exprimer en public, bouteille en plastique après bouteille- recycler après avoir sali, ramasser après avoir jeté -nos enfants ramassent en héros… et ils sont beaux ! Et ils sont fiers ! – Eux, les leaders de demain… pourvu qu’ils ne prennent pas le large, eux, notre seule source d’amour ou d’espoir. Eux, notre seul point d’attache, notre seule raison de rester, les seuls, les seuls dignes de confiance. Les purs. Les propres. Les non souillés. Ceux qui savent encore ouvrir les bras. Eux. Seuls. – Drapeau après drapeau, couleur après couleur, juron après juron et chaîne humaine après enchaînement.
Entre le j’accuse d’un Zola et les rêveries d’une grande idéaliste.
Les cœurs émiettés, en loques ou en lambeaux -à défaut de flambeaux- tellement brisés que les pièces en sont dispersées un peu partout. Comme les noms des fous. L’âme déchiquetée -juste avant de la rendre-. Les cendres. Les souvenirs. Encore plus vivants que morts. L’amnésie. La méchanceté gratuite. Les hommes. Les femmes. Les révoltées. Le feu. L’eau -la pluie et l’odeur de la terre bénite- ainsi soit-elle. Les cris. Pour. Et contre encore. Au fond, une mémoire collective -même si l’on nie et renie, même si l’on oublie, tout.- Mais. " Parce qu’il y a toujours un, mais qui remet tout en question. "
حبيبي كرمالي تنيناتنا منعرف شو صار
Fairuz.
En arabe parce qu’en vogue. Sans ironie. On est comme ça. On sait prononcer le th* quand on s’y met. Ça donne un peu espagnol. Cabeza. (cabeth*a en phonétique m’aurait-on dit…) Cervelle ! Parce que l’heure est au libanais et à la langue maternelle. Celle par laquelle on écrit, on crie, on prie, on chante. Notre point de chute. Chut (encore). Dans la prise de position, aussi noble soit-elle, sans critique, sans jugement, parce que la fougue est belle (et rebelle), la fougue est motrice, la fougue est passionnée. Sans critique donc, une prière (laïque ou pas, qu’importe, tant que le ciel écoute) : de la douceur. Dans tous les rythmes effrénés. Au sommet de tous les drapeaux. Au pied de tous les cèdres qui tiennent bon, de la douceur.
La douceur est générosité.
La douceur est dignité.
La douceur est empathie.
La douceur est pardon.
La douceur est histoire.
Sans grand H.
Celle que l’on raconte aux enfants. Celle qu’on colorie avec eux. Celle qui les endort tranquillement. Loin des brutes. Loin des menteurs. Loin des pouvoirs. Loin des positions. Loin des grands. Avec grand G.
" -“Je suis un homme sérieux. Je suis un homme sérieux. Et ça le fait gonfler d’orgueil.” Mais ce n’est pas un homme ça, c’est un champion.
– Un quoi ?
– Un champignon. " Cette phrase de mon Petit Prince qui me revient à chaque fois que je me heurte aux vénéneux. Narcissiques ! Les bullies des temps modernes. (et au diable Charlot). Tous ceux qui voient trouble, double. Les dédoublés. Leurs mots. Leurs coups. Bas. Forts. Secs. " Defend yourself at all times. " Le doute. Tenace. La certitude. Cruelle. Tout ce qui me laisse un sourire de Joconde que je ne déchiffre moi-même plus. Je reviens donc encore, toujours, à l’enfant. Pour l’histoire avec petit h. Normale. Ordinaire. Sans titre. Sans position. Sans positionnement. Une histoire. Sans loi. Sans cadre. Sans contrat. Sans micros. Sans projecteurs. Sans caméra. Mélodie d’un soir. Celle qui reste. La seule. Sans poésie. Sans poaime (pardon pour le pléonasme… et dire que l’on a déployé tous les efforts du monde pour que je n’invente plus des maux !)
Sans condescendance. Sans remords. Sans records. De l’autre côté de l’écran, de l’autre bord des océans, de l’autre trottoir de la place, on suit. On est. On (re) naît. Combien de " re " combien de battements, combien de cœurs, combien de leurres, combien de " leur ". L’heure sonne. Et cette même date banale me revient… comme ce soir par exemple, un an ou mille, après. Et puis après ? Il y a un temps pour tout, dit-on. Combien de dit-on a-t-on encore le courage de croire… Et puis ces photos, ces visages des personnes qu’on a un jour connues de trop près, ces visages effleurés de plus près, et qu’on ne reconnaît plus. Ceux qui font partie d’un film lointain des promesses rembobinées. Et puis plus rien. Des visages -encore-, des paysages, des étincelles dans les yeux, tout ce que l’on scrute pour essayer de retrouver un souvenir manquant à notre mémoire. Mais deux, trois fois rien. Amnésiques (ce mot que je n’oublie plus). Et pourtant… on est là encore… pour le meilleur. Pour le pire souvent. Avec ou contre. À un souffle près ou à des années-lumière de distance. On partage tout ce qui tient -à un fil-, tout ce qui nous retient. On respire très fort le même air de nos forêts. Brûlées et résistantes. Et on le retient, ensemble…
لبنانكم أنتم أو لبناني أنا
أمّا المحبة فكنز لا يفنى
Et l’on ne possède rien. Ni personne. Pas même un ami. Pas même un pays. (On est dépouillé de tout…) On peut seulement aimer. (Si l’on en a encore la force et la vaillance… " cœur de lion " !) Alors seulement, on pourrait se bâtir une maison… peut-être… avec pour seul toit le ciel immense. Je ne jure plus de rien. Plus de toi. Plus de moi. Pas même des battements de mon cœur… on les compte il paraît. Au compte-goutte. Avant de les changer en dollars. Ou en étiquettes, titres, poudre aux yeux et tout ce qui brille. Mais je n’ai jamais su calculer. Alors je regarde le ciel. Il est bleu. La mère encore, aussi, parfois. Du côté des saules pleureurs ou des canaris. Libre.
Home is where the heart is, always.
Beyrouth.
(Always.)