La Saint-Valentin. Le jour où l’amour est réduit à un seul jour alors qu’il est censé durer les 365 jours de l’année. La fête la plus commerciale, la plus stupide jamais inventée. Ce jour fatidique où les couples tâtent le pouls de leur amour. Bien sûr, il sera évalué selon le cadeau offert et ce qui sera écrit sur la carte accompagnant ce dernier. Avant la crise, les Libanais s’offraient des cadeaux luxueux. Un bijou pour la femme aimée, un cœur en particulier, qui sera serti, selon le budget, de diamants ou de pierres semi-précieuses, mais le tout valant son pesant d’or 18 k. Depuis que le Liban mène une course avec lui-même vers l’abîme, la fête n’en a pas pris pour son grade. Il y a eu une réadaptation en revoyant les festivités à la baisse: des formules adaptées de menus pour deux au restaurant, avec un choix qui siérait à leur bourse, le cadeau qui sera en argent 965 bien poinçonné, doublé d’un bouquet de fleurs. À propos de fleurs, il est mondialement connu que le prix des roses à la Saint-Valentin (comme à la fête des Mères) atteint un record en bourse. Les fleuristes font, avec ces deux fêtes, leur "saison". C’est comme Noël pour les marchands de jouets et Pâques pour les chocolatiers. La vie est ainsi faite: de fêtes, de défaites, de faire-part aussi. Alors que les uns célèbrent Cupidon et sa flèche qui transperce l’Autre d’Amour, d’autres pleurent la perte d’êtres chers, le cœur en berne, les yeux voilés, les larmes au ras des cils. En somme Le Rouge et le noir de Stendhal, vécu in vivo. Il y aura, bien sûr, ceux qu’aucun séisme ne fera vaciller d’un iota, à savoir les 10 à 15% vivant à plein temps sur la Planète USD, puis arrivent sur l’échelle de Richter les 20% orbitant autour d’un monde clivé à 50% de dollars et 50% de lollars. Pour les premiers, zéro souci à se faire, d’ailleurs ils n’en ont pas. Pour la deuxième tranche de la société fifty-fifty, un large éventail de choix est possible: soit faire "comme avant", soit accepter des compromis sur le resto et sur le cadeau. Quant à la majorité de la population qui crève la dalle, plus de saint à invoquer et encore moins de sous pour se mettre quoi que ce soit sous la dent. Le Liban de tous les paradoxes est ainsi fait: d’extrêmes, de surexpositions, d’invisibilités, d’excès, de privations; de ceux qui se réfugient dans leurs carapaces de tortues, et d’autres qui versent des larmes de crocodiles sur le malheur des autres, etc., et rien, absolument rien ne changera, quoi qu’il arrive. Parce que la majorité des gens se mirent dans le regard des autres.
Il reste la poignée dont vous faites partie à qui la vie pique les yeux parce que cet après-midi vous irez assister à la messe de requiem célébrée pour les 365 jours passés sans votre grand ami de toute une vie que le Ciel vous a ravi, et que samedi dernier vous avez assisté aux obsèques de votre amour de "seconde maman", la bienveillance et la tendresse incarnées qui est partie se reposer là où on ne souffre plus. Désolés pour saint Valentin, mais sa date ne sera jamais marquée comme étant le jour de la fête de l’amour, mais celui de la naissance d’un être très cher comme votre neveu par exemple. Les vraies fêtes, "les plus belles fêtes, sont celles qui ont lieu à l’intérieur de nous", comme le dit si justement mon ami Frédéric Beigbeder, qui n’est pas toujours cynique, reconnaissons-le.

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