À Nice, la colline verdoyante surplombant la Méditerranée occidentale offre une touche de fraîcheur et s’inscrit dans la perception des jardins romantiques avec ses fleurs, sa cascade et ses grottes. On la surnomme la " colline du château " ou " le château de Nice ", mais il s’agit plutôt d’une colline au château rasé dont il ne subsiste que des pans de murs et son histoire dans la mémoire collective niçoise. C’est aujourd’hui un jardin botanique voire un vaste parc classé site historique, l’un des plus visités sur la Côte d’Azur principalement parce que la vue d’en haut est étourdissante.

On est surpris, si l’on n’est pas Niçois, par le coup de canon puissant tiré depuis la colline du château quotidiennement à midi. On nous explique qu’il s’agit d’un marron d’air pyrotechnique ou d’un feu d’artifice (la poudre noire propulse la bombe à 60 mètres de haut, et celle-ci, arrivée au sommet, explose sans faire de couleur). Mais d’où vient cette tradition qui fait sursauter les promeneurs et retentit dans toute la ville ? Elle remonte à 1862. Sir Thomas Coventry, lord écossais et ancien colonel de l’armée anglaise, qui venait passer tous les hivers à Nice, était très à cheval sur la ponctualité et perdait patience quand sa femme, aimant flâner et bavarder, arrivait à l’hôtel Chauvin en retard pour le déjeuner.

Il décida alors, après avoir demandé la permission au maire de Nice, François Malausséna, tout en se chargeant de tous les frais, de tirer un coup de canon pour prévenir sa femme qu’il était l’heure de se mettre à table. Le canon fut donc installé sur la terrasse du château de Nice, et chaque jour Sir Coventry donnait le signal à un employé municipal pour allumer la mèche du canon. Cependant, quand Sir Coventry ne revint plus sur la Côte d’Azur et que le canon cessa de tonner, les Niçois déboussolés réclamèrent sa remise en vigueur. Malausséna fit voter un arrêté municipal pour que cette tradition perdure. Depuis, on l’entend tous les jours de l’année à midi pile, sauf le 14 juillet en mémoire des 86 victimes de l’attentat de Nice. Et pour un poisson d’avril, le coup de canon a une heure d’avance le 1er avril.

Qu’en est-il de la colline et du château ? L’histoire remonte à l’Antiquité. Les Grecs phocéens avaient fait de la colline un comptoir maritime appelé Nikaia et fondé la ville de Nice. Devenue la place forte de la cité, elle le demeura pendant l’époque médiévale où, dans l’enceinte fortifiée, vivaient des milliers d’habitants. On y découvre aujourd’hui, grâce aux fouilles archéologiques, les vestiges de la ville mediévale et de l’ancienne cathédrale datant du XIe siècle.

Plus tard, Nice fut sous domination provençale avant de devenir la propriété de la Maison de Savoie. En 1706, le château de Nice fut détruit par les troupes et ingénieurs de Louis XIV pendant la guerre avec la France.

La colline du château surplombe le vieux Nice, le port Lympia et la baie des Anges. Elle s’étend sur 19 hectares avec ses allées ombragées, ses chemins ensoleillés, ses escaliers, son site archéologique et les mosaïques de ses pavements. On y accède par les escaliers Lesage qui mènent à la tour appelée de nos jours Bellanda. Lieu de mémoire, cette tour est aujourd’hui un promontoire incontournable pour admirer la baie. En effet, une fois arrivé sur sa terrasse panoramique, il est difficile de détacher son regard de la baie bleue.

Dédiée à la défense de la ville avec la construction de la muraille du château de Nice, la " tour du Môle ", comme elle était nommée, permit de résister au siège franco-turc de 1543. Elle prit ensuite le nom de " tour Saint-Elme " au XVIIe siècle en référence au saint patron des marins. Plus tard, au début du XIXe siècle, le roi Charles-Félix, soucieux d’embellir la ville, concéda à la municipalité la colline et ses vestiges pour la création d’un parc. C’est à cette époque qu’Honoré Clérissi construisit une pension accolée à la tour Saint-Elme, dont il ne restait que la base. Elle fut alors dénommée " tour Clérissi ".

Le compositeur Hector Berlioz séjourna à la pension Clérissi, où il composa l’ouverture du Roi Lear. Dans ses mémoires, Berlioz écrivit lors de son séjour en 1831 : " J’arrive à cette bienheureuse ville de Nice grondant encore un peu. Voilà que j’aspire l’air tiède et embaumé à pleins poumons, voilà la vie et la joie qui accourent à tire-d’aile et la musique qui m’embrase et l’avenir qui me sourit… C’est ainsi que j’ai passé à Nice les vingt plus beaux jours de ma vie. Ô Nizza ! […] ". Puis, il revint à Nice en 1844 et fut logé dans la tour Clérissi, au-dessus de la pension, sous le dôme orné de mosaïques de céramiques. Le panorama lui inspira la partition du Corsaire, et on retrouve dans ses mémoires ces mots attendris : " Ah ! Ma chère tour des Ponchettes [en référence à la rue des Ponchettes située au pied du château de Nice] où j’ai passé tant de douces heures ; du haut de laquelle j’ai envoyé tant de fois mon salut matinal à la mer endormie, avant le lever du soleil… "

Durant l’entre-deux-guerres, la tour changea de nom et fut alors appelée Bellanda, du nom de la société immobilière qui la racheta. En 1937, lorsque la colline du château fut classée par arrêté préfectoral, la tour fut rétrocédée à la ville de Nice. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les troupes d’occupation allemandes transformèrent la tour en salle de sport. Cependant, après la guerre, la ville de Nice et le service des monuments historiques restaurèrent le site. En juin 1963, le musée naval ouvrit ses portes dans la tour Bellanda et y resta jusqu’en 2002, pour une exposition sur les marines marchande, militaire, commerciale et l’histoire du port de Nice.