La galerie Art District à Gemmayzé accueille du 26 avril au 6 mai la première exposition en solo, intitulée Elusive Dreams of Belonging, de Rim El Bahrani, jeune artiste de 27 ans d’origine irakienne, née en Jordanie et ayant vécu au Yémen puis en Suède, et ayant étudié l’histoire de l’art à Londres avant de s’installer au Qatar.

Son cheminement personnel et artistique, façonné par les multiples renoncements et recommencements imposés par l’urgence des départs, la pousse à remettre en question le problème de l’appartenance et de la construction identitaire.

Face à ses propres questionnements, Rim oppose ses block houses, sculptures en bronze ou en aluminium, teintées parfois de touches dorées ou argentées, ou peintes en couleur verte ou turquoise. Ses maisons, sortes d’allégories abstraites, sont le fil conducteur servant à tisser la trame de son histoire, à redessiner les contours de l’exil commun à toutes les diasporas.

Ces maisons superposées forment un bloc indestructible, solide forteresse ou armure pour compenser la fragmentation de l’existence fragilisée par toutes sortes d’arrachements traumatiques.

Dans sa quête identitaire et par besoin d’ancrage, l’artiste façonne alors des habitations fortement enracinées dans le sol, comme soudées au granit, sortes de refuges matriciels prêts à accueillir tous les exilés de la terre.

Grâce à ce processus artistique, l’artiste tente ainsi de réassembler les différents éléments de sa vie, d’en recoller les morceaux épars afin de redéfinir une identité nouvelle vécue non comme une fatalité, mais comme un heureux assemblage d’expériences participant à la création d’une réalité renouvelée, transcendée par l’art.

L’identité n’est plus celle préalablement assignée à la naissance, elle n’est pas non plus définitive puisqu’elle se définit au fur et à mesure de l’évolution de tout un chacun, se remet en question, se construit et se déconstruit à l’instar du cheminement de la vie même.

L’artiste ouvre ainsi un dialogue entre la nouvelle génération, née de la mondialisation et de la diaspora, confrontée à choisir entre plusieurs identités quitte à en faire l’amalgame, et l’ancienne génération profondément attachée à sa terre, puisant dans ses racines et ses valeurs.

Rim se rapproche de cette dernière non pas pour s’identifier à elle, mais pour recréer une identité forte forgée par les difficultés de l’existence, la nécessité d’adaptation au changement.

Avec ses block houses, Rim pointe le doigt sur les plaies de notre humanité déchiquetée par les guerres, fragmentée par les séparations, en perte de sens et de vitesse. Les bâtisses de l’artiste deviennent alors des armures identitaires pour parer à la fragilité de la réalité déconstruite, un mécanisme de défense pour faire face au ballotement perpétuel. Cette recherche de stabilité intérieure pour panser les blessures, combler les manques tente de répondre à un abîme de questionnements semblable aux trous qui viennent orner les œuvres de l’artiste. Des portes et des fenêtres qui représentent le vide, certes, mais surtout une ouverture riche de toutes ses potentialités, une liberté ivre de tous les possibles!

Rim bâtit dans la roche des citadelles identitaires imprenables, à l’instar de Pétra  en Jordanie, terre natale de l’artiste, afin que s’inscrive à jamais l’attachement à la mère patrie indéracinable, semblables à ces bribes de mémoire qu’on transporte avec soi comme une seconde peau.

Les constructions de Rim s’érigent sans rigidité, leur verticalité souligne un besoin d’élévation et de transcendance. La torsion de côté semble animer l’ensemble, restaurer un semblant d’humanité. Habitées par la grâce, elles paraissent alors vivantes, comme mues par une énergie intérieure qui les fait gracieusement s’incliner vers la gauche ou vers la droite.

L’art de Rim se vit comme une résistance, un baume au cœur et à l’âme, un art antidestin, la seule arme qui sauve!