Auteur de plus de 80 romans, essais et monographies, directeur de revues éminentes, Philippe Sollers, mort à l’âge de 86 ans, se dressait comme une figure emblématique de la scène littéraire française et du Tout-Paris depuis plus d’un demi-siècle. Avec une plume flamboyante et une verve inépuisable, Sollers a su se tailler une place de choix au sein du panthéon littéraire hexagonal.  Sa stature intellectuelle, tantôt acclamée, tantôt critiquée, a érigé l’homme en une figure incontournable du paysage culturel français. Ses écrits, marqués par une profonde érudition et un amour pour la beauté des mots, ont traversé les générations, suscitant l’admiration, la controverse et, parfois, la polémique.

D’un œil espiègle et narquois, la cigarette vissée au coin des lèvres, l’écrivain, jadis familier des plateaux cathodiques, déambulait ces dernières années appuyé sur sa fidèle canne, mais sa plume demeurait vive et alerte. "Je me déplace peut-être moins rapidement, mais je pense avec plus de vélocité", se targuait-il dans un ouvrage d’entretiens paru en janvier 2019. Né le 28 novembre 1936 à Talence, dans le sud-ouest de la France, au sein d’une famille d’industriels, Philippe Sollers délaisse rapidement ses études pour se vouer corps et âme à la littérature. Toutefois, avant de s’y engouffrer, il délaisse son patronyme de Joyaux au profit de celui de Sollers, issu du latin sollus et ars ("entièrement consacré à l’art").

À l’âge de 22 ans, il publie son premier roman, Une curieuse solitude, encensé par Aragon. "Le destin d’écrire est devant lui, comme une admirable prairie", professera le poète français. Trois ans plus tard, en 1961, son deuxième roman, Le Parc, décroche le prestigieux prix Médicis. Jeune prodige littéraire, Philippe Sollers contribue à la création de la revue littéraire Tel Quel au printemps 1960. En épigraphe, celle-ci s’orne d’une maxime de Nietzsche: "Je veux le monde et le veux tel quel, et le veux encore, le veux éternellement."

La revue se propose de mettre en lumière toutes les formes d’avant-garde. Elle soutient le mouvement littéraire français du Nouveau Roman ainsi que le futur prix Nobel Claude Simon. Elle ouvre ses colonnes à des écrivains tels que Nathalie Sarraute ou Alain Robbe-Grillet et défend des penseurs majeurs français comme Roland Barthes, Michel Foucault ou Jacques Derrida. Au début des années 1970, la revue se rallie au maoïsme chinois. En 1974, Philippe Sollers fait partie de la délégation qui se rend en Chine à l’invitation du pouvoir. Cette myopie vis-à-vis du régime autoritaire chinois vaudra à l’écrivain sarcasmes et invectives.

Philippe Sollers réfutera avoir jamais été "maoïste", mais, dans le livre d’entretiens de 2019, il soutiendra: "Je persiste à dire (…) que cette révolution épouvantable fait que la Chine est désormais la première puissance mondiale." Témoignage de sa fascination pour l’Empire du Milieu, tous ses ouvrages renferment des références à ce pays.

Après la mort de Mao en 1976, la revue change de cap et prend fait et cause pour les États-Unis. L’auteur publie une tribune dans Le Monde pour fustiger non seulement le maoïsme mais aussi le marxisme.

En 1982, il fonde une nouvelle revue, L’Infini, et se voit convié à rejoindre le comité de lecture puis à endosser le rôle de directeur de collection au sein de la vénérable maison d’édition Gallimard.

C’est avec l’œuvre romanesque Femmes (1983) que Philippe Sollers accède à la renommée. Des critiques y décèlent une "pornographie" qu’ils stigmatisent. "C’est mon chef-d’œuvre. Mon éden inégalable", réplique cet érudit de Casanova, à qui il a dédié une biographie, et auteur d’un Dictionnaire amoureux de Venise.

Uni en 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils, David, il voue un "amour fou" à l’écrivaine belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée. Leur échange épistolaire s’étendant sur un demi-siècle a été publié en 2017 et 2018. Lui-même avait levé le voile sur sa double vie amoureuse en 2013 dans Portraits de femmes.

Pour ses détracteurs, il était "frivole", "mondain", "lassant" et imbu de lui-même. À la question "Si vous deviez mourir demain, que resterait-il de vous?", il rétorquait: "Une caisse de livres", ajoutant: "On s’interrogera sur la manière dont on a pu se laisser abuser par l’image d’un Sollers aussi médiatique et désinvolte, alors qu’il est en réalité un travailleur opiniâtre."

Il y va sans dire, l’empreinte indélébile de Philippe Sollers restera gravée dans les annales de la littérature française, où son nom demeurera à jamais associé aux œuvres et aux idées qui ont marqué un demi-siècle d’histoire culturelle.

Avec AFP

 

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