Écoutez l’article

Une exposition conçue par Mohammed el-Khatib célèbre le périple de milliers de Maghrébins qui, chaque été, regagnaient leur pays d’origine dans une Renault 12 chargée à l’excès. Cet hommage aux sources et traditions débute ce vendredi 6 octobre à Marseille.

C’est du haut de la place d’Armes du fort Saint-Jean, dominant la mer, qu’une série de Renault 12, de diverses couleurs, va ressusciter durant un mois "ce patrimoine immatériel de la Méditerranée", comme l’explique cet artiste, associé en 2023 du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem).

Avec cette installation, s’étendant également dans le hall du musée marseillais, ce metteur en scène et cinéaste d’origine marocaine aspire principalement à honorer la génération de son père qui "durant les années 1970, 1980 et 1990 a parcouru la Méditerranée, empruntant les routes françaises jusqu’à l’Espagne, puis le Maroc et l’Algérie". Mohammed el-Khatib, âgé de 43 ans, a lui-même entrepris ce voyage "de manière extensive" de ses deux à ses 18 ans.

"La Renault 12 et la Peugeot 504 symbolisent les véhicules légendaires des années 1970 à 1990", pour ceux qui retournaient au Maroc, en Algérie, ou en Tunisie pendant les vacances estivales, confie à l’AFP Mohammed el-Khatib, instigateur de l’exposition Renault 12. Sans aide de la technologie GPS ni de la climatisation, et sur plusieurs jours, "c’était une odyssée, laborieuse mais renforçant les liens familiaux", déclare l’artiste, qui propose également, en prélude de l’exposition vendredi et samedi, une performance intégrant une dizaine de résidents de Marseille.

"Nous avons invité des individus à partager leurs récits de voyages de l’autre côté de la Méditerranée". Un film, 504, élaboré à partir de ces témoignages, est également projeté lors de l’exposition.

À l’entrée du Mucem, les clichés de grande envergure de la photographe marseillaise Yohanne Lamoulère, amalgamés aux photographies d’époque récupérées auprès des résidents, reconstituent ce "segment d’histoire peu exploré".

"J’ai cherché à recréer un véhicule évoquant à chaque fois une émotion particulière", précise-t-il. "Par exemple, il y a la Renault 12 cassettothèque (…) où différentes générations de cassettes et d’ambiances musicales nous immergeaient" pendant le voyage.

La carrosserie endommagée d’une autre, ornée de bouquets de fleurs, révèle également que certaines familles n’atteignaient jamais leur destination. Sur le toit de sa congénère, un chargement démesuré s’accumule: "On les appelait des voitures cathédrales à cause du chargement s’élevant vers le ciel", se souvient Mohammed el-Khatib.

"Nos parents peinaient toute l’année et, soudain, un mois de légèreté, de festivité et de puissance retrouvée s’offrait à eux" – ce moment de réalisation d’appartenir "à une histoire collective", conclut-il.

Avec AFP