Le théâtre lui permet " avec bonheur " de passer chaque soir " de l’ombre des coulisses à la lumière éclatante de la scène " : de retour sur les planches, Nicole Garcia s’offre pour la première fois un " seule en scène " avec un monologue poignant écrit sur mesure par la romancière Marie Ndiaye.

Dans " Royan, la professeure de français ", l’actrice césarisée en 1980 pour " Le Cavaleur " de Philippe de Broca, avec Jean Rochefort, livre une performance dans le rôle de Gabrielle, une enseignante de lycée qui, un soir, comprend que les parents d’une élève l’attendent sur son palier.

Pétrifiée dans le hall blafard de son immeuble, unique décor de la pièce à l’ambiance d’un thriller, la professeure n’ose pas prendre l’ascenseur. À haute voix, elle s’interroge, dans une vertigineuse introspection tant professionnelle que personnelle.

Le spectateur se rend compte peu à peu de l’ampleur du drame qui s’est joué et qui pourrait se prolonger : l’élève en question, harcelée par des camarades de classe, s’est suicidée quelques jours plus tôt… Les parents, que l’enseignante a tenté d’éviter jusqu’ici, attendent une explication.

Quelle peut être la part de responsabilité de la professeure ? Pourquoi n’a-t-elle pas compris à temps ?

" Royan, la professeure de français ", à l’affiche du Théâtre de la Ville, a été créée lors du dernier Festival d’Avignon, avec un an de retard en raison de la pandémie.

" Ce rôle, c’est avant tout la rencontre avec un texte puissant. C’est un tournant dans ma carrière. Je suis très honorée que Marie Ndiaye s’essaye à l’aventure en écrivant pour moi ", confie à l’AFP Nicole Garcia, 75 ans.

– " Comme en garde à vue " –

" Ce texte évoque cette masse de brutalité, de haine et de sauvagerie qu’on porte en nous et que l’on doit cadenasser pour vivre les uns avec les autres. Mon personnage est comme en garde à vue, essayant de se convaincre qu’elle n’est pour rien dans ce qu’on lui reproche ", ajoute l’actrice et réalisatrice, à l’affiche de quelques-uns des plus grands films français depuis la fin des années soixante (" Le Corps de mon ennemi ", " Que la fête commence ", " Un Papillon sur l’épaule ", " Mon oncle d’Amérique "…).

Arrivée d’Algérie en France à l’adolescence, Nicole Garcia a commencé sur les planches, puis sur grand écran comme actrice, avant de passer à la réalisation.

" Amants ", son neuvième film derrière la caméra, " un polar romantique ", est sorti en novembre.

" La pièce parle de la peur que les enseignants peuvent avoir aujourd’hui des parents ou même des élèves. Un lycée peut être une société très violente avec des harceleurs et des boucs émissaires… ", souligne Nicole Garcia, mise en scène par son fils, Frédéric Bélier-Garcia, qui a déjà monté plusieurs oeuvres de Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009.

Nicole Garcia confie aimer particulièrement la scène " pour le creuset que sont les répétitions qui n’existent pas ou peu au cinéma, ce temps long et précieux où le rôle vient peu à peu… ".

" Je ressens beaucoup d’excitation d’être seule en scène. On porte seule un spectacle entier. Le public devient un réel partenaire. Je m’appuie sur les silences suspendus au fil de l’histoire ", ajoute l’actrice. " À la fin, ce qui est rendu par le public est encore plus fort ".

Nicole Garcia raconte " vivre toujours en mode projets ", comme disent les ados: après le théâtre, elle compte revenir au cinéma avec la réalisation " d’un portrait de femme, dont un enfant a grandi loin d’elle ".

Lire aussi : La scénariste et réalisatrice Danièle Thompson va présider les Césars