Les promesses formulées par le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, de donner satisfaction dans la mesure de ses moyens, aux revendications des juges, semblent diviser les magistrats en grève depuis vendredi. Certains juges se sont contentés des engagements pris en leur faveur par M. Abboud et penchent pour une suspension de la grève, mais le Club des magistrats, lui, tient à sa position relative au maintien du mouvement de grève jusqu’au 21 février, d’après sa présidente, Paula Haykal, également juge à la Cour des comptes. " Les propos du président Abboud ne peuvent pas encore tenir lieu d’actes concrets. Ce dernier s’est pour le moment uniquement penché sur le volet financier des revendications des magistrats. Il a dans ce sens promis de veiller à ce que les traitements des juges et des auxiliaires de justice -qui ont annoncé mardi vouloir maintenir leur mouvement de grève- soient revus à la hausse et à ce que les Palais de justice et tout ce qui en relève sur le plan logistique fassent partie d’un plan de rénovation et de développement. Toutefois, nous ne pouvons pas nous fier entièrement à ces paroles, avant d’avoir palpé un quelconque changement ", précise la juge Haykal.
Pour en revenir aux principales revendications des magistrats, elles tournent essentiellement, selon une source judiciaire, autour de deux axes majeurs :
– Un règlement du problème que pose l’état lamentable des Palais de justice et des tribunaux qui rend difficile l’exercice du métier d’avocat et de juge dans des conditions dignes.
– L’approbation de la loi sur l’indépendance de la magistrature

D’après la même source, " le texte de loi discuté (en commission parlementaire)  ne comporte pas les articles qui garantiraient une indépendance authentique de la magistrature ". " Le club des magistrats a précédemment présenté ses observations à ce sujet: il réclame que tous les membres du CSM, notamment le procureur général de la République, le premier président et le chef de l’inspection judiciaire soient élus par les juges et que les mutations soient exclusivement du ressort du CSM et non du pouvoir exécutif ".
Il est certes, évident, que de telles requêtes ne peuvent pas être mises à exécution dans un délai d’une semaine durant lequel la grève est appelée à se poursuivre. Il s’agit néanmoins d’une " première mise en garde contre la situation du pouvoir judiciaire, celle-ci pouvant se manifester sous d’autres formes dans les semaines qui suivent ", confie la source interrogée.

Souheil Abboud ne dispose bien entendu pas des moyens nécessaires pour une réalisation rapide des promesses relatives au volet matériel de l’affaire, " faute de crédits suffisants débloqués par le gouvernement ", à l’intention des magistrats, comme le relève la présidente Haykal. Il appartient ainsi à l’Exécutif de décider des majorations salariales.

Quant à la loi sur l’indépendance de la justice, elle est du ressort du Parlement qui prend tout son temps pour l’examiner, alors que le pouvoir judiciaire souffre d’un mal pernicieux avec l’ingérence permanente des politiques dans ses affaires.
La grève va à l’encontre du principe de l’interdiction du déni de justice, certes, mais les magistrats n’ont pas d’autres choix pour se faire entendre.