En solidarité avec le massacre de Zahedan, l’Iran était paralysé mercredi par une grève qui a touché plusieurs villes en signe de protestation. La répression du régime dans cette ville du Sistan-Baloutchistan 40 jours auparavant avait fait 100 morts.

Des grèves ont été organisées dans plusieurs villes de l’ouest de l’Iran mercredi pour marquer le 40e jour suivant la mort de près de 100 manifestants dans la répression à Zahedan, a rapporté une ONG.

Le vendredi 30 septembre, les forces de l’ordre ont tiré sur des Iraniens protestant à Zahedan, chef-lieu de la province du Sistan-Baloutchistan (ouest), contre le viol d’une adolescente baloutche de 15 ans imputé à un chef de la police de Chabahar, une autre ville de la province.

Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, 92 personnes ont été tuées ce jour-là. Depuis, 28 autres personnes ont péri lors des protestations à Zahedan et ailleurs dans la province, d’après l’ONG.

Ces violences sont survenues deux semaines après la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant le port du voile aux femmes en public.

 

Son décès a provoqué des manifestations dans de nombreuses cités y compris à Téhéran. Plus de 186 personnes ont été tuées dans la répression, dont des femmes et des enfants, selon l’IHR, outre des milliers d’arrestations, incluant dissidents, journalistes et avocats.

Une vidéo publiée par le média en ligne 1500tasvir montre selon l’ONG, des militants distribuant des tracts appelant à des manifestations en solidarité avec les victimes du " Vendredi sanglant " à Zahedan.

Mercredi, des magasins ont fermé leurs portes dans plusieurs cités kurdes de l’ouest du pays -Baneh, Kermanshah, Marivan, Sanandaj et Saqez, la ville natale de Mahsa Amini-, selon le groupe de défense des droits Kurdes en Iran Hengaw.

Ces grèves ont été menées " à l’occasion des cérémonies de deuil organisées le 40e jour après la mort " des manifestants, a rapporté Hengaw.

 

Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux par des militants montre des magasins avec leurs rideaux fermés notamment à Saqez et Zahedan.

" Ce qui s’est passé (le 30 septembre) à Zahedan est, selon le droit international, un exemple clair de massacre de civils ", a déclaré Hengaw sur Twitter.

Les autorités iraniennes ont fait état d’au moins six policiers tués lors des troubles au Sistan-Baloutchistan.

Selon des analystes, les Baloutches ont été inspirés par les manifestations liées à Mahsa Amini.

 

" Les manifestations de 2022 rassemblent des Iraniens en colère et frustrés avec le même objectif, renverser le régime théocratique " du pays, a déclaré à l’AFP Saeid Golkar, professeur adjoint à l’Université du Tennessee à Chattanooga.

La minorité baloutche adhère majoritairement à l’islam sunnite et non au chiisme dominant en Iran. Militants et ONG déplorent que cette province pauvre soit victime de discrimination.

Le Sistan-Baloutchistan est souvent le théâtre d’affrontements entre forces de sécurité et rebelles baloutches, des groupes extrémistes musulmans sunnites ou des trafiquants de drogue.

Mardi, deux combattants baloutches ont été exécutés après avoir été reconnus coupables du meurtre de quatre policiers en 2016, selon le site du pouvoir judiciaire.

Une affiche représentant un gorille avec un turban accroché à un viaduc à Téhéran.

Les manifestations contre la mort de Mahsa Amini se sont, elles, poursuivies malgré la répression.

Des jeunes femmes ont été à l’avant-garde de la contestation, certaines retirant et brûlant leur foulard, scandant des slogans anti-régime et défiant les forces de sécurité dans la rue.

Le pouvoir a tenté d’étouffer ces manifestations, qui constituent le plus important défi à la République islamique depuis la révolution de 1979.

Les forces de sécurité ont tiré sur les manifestants en utilisant balles réelles, gaz lacrymogènes et billes de plomb.

 

Les autorités ont imposé des restrictions d’accès à Internet et bloqué les applications Instagram et WhatsApp. Elles ont déployé la police montée à Téhéran.

Cette semaine, la chaîne de télévision en persan Iran International, basée à Londres, a accusé les Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, d’avoir menacé de mort deux de ses journalistes.

Pour l’ONG Reporters sans frontières, " le nombre croissant de journalistes femmes détenues en Iran révèle de façon symbolique la volonté du régime iranien de réduire les femmes au silence ".

Alors que les autorités en Iran accusent l’Occident et certains pays arabes d’encourager ce qu’elles appellent des " émeutes ", le ministre iranien des Renseignements Esmaïl Khatib a de nouveau pointé la responsabilité du Royaume-Uni et de l’Arabie saoudite " dans des actions visant à déstabiliser " son pays.

Avec AFP