D’aucuns diraient que c’est présomptueux de ma part de faire une telle affirmation.

Pourtant, elle est vraie contrairement à toutes les analyses et les allégations que font la majorité des stratèges et des "milieux bien informés". Ceux-là croient savoir que 2022 est l’année des négociations, des règlements des conflits au Moyen-Orient par voie diplomatique et que tout au plus, on continuerait à observer une guerre de faible intensité (low intensity war).

Mon pronostic est basé sur les facteurs suivants:

1) Comprendre la nature profonde de La République islamique d’Iran (RII)

L’Iran d’aujourd’hui n’est pas un État comme tous les autres. C’est une entité révolutionnaire sous forme d’État. Son objectif ultime est d’islamiser le monde selon l’Islam chiite duodécimain (version Wilayat al-faqih). Sa raison d’être est donc l’exportation de sa révolution dont elle ne peut se départir sous aucune condition.

De plus, l’Iran est une force militaire redoutable qui pratique la guerre asymétrique via une armée de "révolutionnaires" composée de la brigade Al-Qods et dudit axe de la résistance, la composante locomotive de la brigade et de l’Axe étant le Hezbollah et son chef Hassan Nasrallah, le successeur officieux du tristement célèbre Kassem Soleimani.

Deux facteurs de force avantagent la RII: un arsenal de fusées, de missiles et de drones super développé en compensation d’une flotte d’avions quasi-inexistante et les kamikazes (bombes humaines) toujours prêts à se sacrifier pour la cause d’Allah, expression de l’idéologie "husseiniste" jihadiste qui sacralise le martyre en provenance directe des premiers temps de l’islam.

Il est donc erroné de traiter avec l’Iran suivant les mêmes règles classiques appliquées aux États

2) Le degré de dangerosité des conflits

Le Moyen-Orient est déstabilisé. Le Liban, la Syrie, l’Irak, le Yémen et les territoires palestiniens occupés et surtout Gaza sont en état d’ébullition intérieure. Ces pays constituent autant d’instruments aux mains de la RII, quoique victimes de sa politique.

Pour Israël, la RII et ses ramifications constituent un danger existentiel. Une pluie de fusées potentielle le menace de six fronts: Liban, Syrie, Irak, Gaza, Yémen et Iran.

Cette menace est amplifiée par l’avancement du projet nucléaire de la RII qui lui permettra bientôt d’être en possession de quantités suffisantes d’uranium enrichi pour fabriquer la bombe atomique.

La guerre de faible intensité ainsi que les sanctions ont prouvé leur inefficacité: la RII a prouvé la solidité de son régime par sa capacité de survivre (43 ans) à l’encerclement et aux sanctions extrêmes, par sa persévérance et sa patience. De plus, ce genre de guerre lui sied à merveille et lui permet d’atteindre son objectif d’annihilation de l’État d’Israël.

Le temps joue donc au détriment d’Israël qui risque de ne plus pouvoir garantir son existence.

Notons qu’Israël pourrait prendre l’initiative de la guerre seul, en y entrainant probablement l’Occident et à sa tête l’Amérique.

Par ailleurs, les États du Golfe se retrouvent quelque part malmenés par leurs alliés et protecteurs occidentaux, plus spécialement l’Amérique de Biden, alors qu’ils sont menacés dans leur existence même.

Mis à part les fusées en provenance du Yémen, la RII cherche à les déstabiliser via l’utilisation de la présence de populations chiites dans ces pays: une majorité chiite au Bahreïn, une minorité chiite dans l’est de l’Arabie Saoudite (riche en pétrole), la minorité chiite du Koweït (20%) dont la majorité est d’origine iranienne, une présence de 500.000 expatriés iraniens dans les Émirats arabes unis. C’est ce qui explique leur politique inhabituelle concernant le Liban.

3) Le contre-effet de l’échec de la politique occidentale au Moyen-Orient

La politique de Biden, locomotive de la politique occidentale se caractérise par une priorité: contrer la montée en puissance de la Chine dans la région Asie-Pacifique et stopper les visées hégémoniques de la Russie. Cette politique qui se caractérise aussi par le prima donné à la diplomatie au détriment de l’utilisation de la force entraine leur désengagement militaire du Moyen-Orient.

Elle est pareille à la politique suivie par Neville Chamberlain, le Premier ministre Britannique à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

En effet, Chamberlain voulant à tout prix éviter la guerre avec l’Allemagne fachiste, avait contracté avec Hitler l’Accord de Munich, le 30 septembre 1938, lui cédant la région des Sudètes de Tchécoslovaquie. Cette politique dite d’apaisement (appeasement) déboucha sur la Seconde Guerre mondiale le 1er septembre 1939 quand Hitler envahit la Pologne.

Le traité de Versailles conclu à l’issue de la Première Guerre mondiale avait lourdement sanctionné l’Allemagne. De plus, cette guerre avait créé un véritable traumatisme dans les sociétés occidentales (refus total de la guerre) et avait été à l’origine d’une grave crise économique. D’où cette volonté d’éviter la guerre à tout prix. Mais, la guerre a eu lieu nonobstant la volonté farouche de l’éviter.

Aujourd’hui, l’Histoire se répète au Moyen-Orient. Quelle que soit l’issue des négociations de Vienne, la RII mue par son objectif expansionniste à l’instar de l’Allemagne hitlérienne et par son idéologie millénaire bien ancrée dans la conscience chiite à l’opposé de l’idéologie fachiste circonstancielle, intensifiera sa vadrouille militariste dans la région.

La RII opère son virage vers l’Est: son accord stratégique avec la Chine, un accord similaire en cours d’élaboration avec la Russie et sa récente entrée dans l’Organisation de coopération de Shanghai.

Forte de ces nouvelles alliances, elle durcit ses positions dans les négociations de Vienne.

L’accord minimal qu’elle accepterait de signer est que l’Occident accepte de lui libérer les milliards de dollars gelés dans le système bancaire et qui lui sont dus, de lever les sanctions sur son commerce, en contrepartie du gel de son programme nucléaire (en tant qu’autogarantie en compensation de l’impossibilité des USA de donner une pareille garantie). Ce qui pourrait être très difficilement acceptable par les Occidentaux.

Conclusion: l’Occident aura inévitablement à confronter la politique agressive de la RII (avec ou sans accord à Vienne), les sanctions et la guerre de faible intensité étant inopérantes et à l’avantage de son adversaire, il n’aurait qu’une seule option, celle de la guerre de forte intensité.

Pourquoi? Les enjeux pour les Occidentaux sont incommensurables:

– Danger existentiel concernant ses alliés régionaux et en particulier son allié préférentiel Israël.

– Danger pour les voies d’acheminement du pétrole et du gaz.

– Danger de la prolifération de Daech en réaction à l’agressivité de la RII.

– Danger accru de l’immigration clandestine en direction de l’Europe.

– Danger dans l’abstention des USA à utiliser leur suprématie militaire pour contrer la RII, mais aussi pour envoyer un message préventif fort en direction de la Chine et de la Russie.

Je suis fermement convaincu que dans l’éventualité d’une guerre, la réaction de la Chine et de la Russie se limiterait à des condamnations et des appels pour arrêter la guerre et à saisir le Conseil de sécurité.

La volonté des dirigeants est insuffisante pour éviter la guerre. La dynamique des événements et des contradictions entre les protagonistes détermine le cheminement qui pourrait mener à la guerre.