La France, qui débute son Mondial mardi, va disputer la compétition sans plusieurs joueurs clés tels que Benzema, Pogba et Kanté. Si ces absences sont de taille et font resurgir dans les esprits le scénario de la Coupe du monde 2002, le contexte et l’équipe de 2022 semblent toutefois indiquer que les Bleus ne connaîtront pas pareille issue qu’en 2002 où ils étaient, comme cette année, les tenants du titre.

L’impact sur l’efficacité offensive des Bleus de l’absence de Benzema devrait être compensée par la présence de Kylian Mbappé. Photo Franck Fife AFP

La France effectue son entrée en matière mardi (21 heures libanaises) dans la Coupe du monde 2022 face à l’Australie. Les blessures à répétition de ces dernières semaines ravivent pour les Bleus le spectre du Mondial 2002. La France, qui était alors également tenante du titre, avait sombré et était sortie dès le premier tour. Cependant des différences de taille subsistent entre les deux situations.

En 2002, la France s’avançait aussi au Mondial comme favorite de l’épreuve. À quelques semaines de l’événement, les blessures successives de deux milieux à vocation offensive, Zinedine Zidane et Robert Pires, vont plonger l’équipe entraînée par Roger Lemerre dans le doute. Si l’absence potentielle de Zidane était déjà un gros coup dur, celle de Robert Pirès ne manquait pas d’importance non plus, d’autant plus que le joueur d’Arsenal avait été élu meilleur joueur de la Premier League en 2002. La suite, nous la connaissons: une équipe de France incapable de gagner le moindre match du premier tour, malgré le retour d’un Zidane, amoindri, pour le dernier match de poule, face au Danemark.

La blessure de Zidane avant le Mondial-2002 avait contribué à la débâcle des Bleus. Photo Franck Perry AFP

À noter que depuis la France en 2002, tous les champions du monde issus du continent européen sont sortis dès le premier tour du mondial suivant leur sacre. L’Italie en 2010, l’Espagne en 2014 et l’Allemagne en 2018. Chaque débâcle a bien sûr ses raisons propres qui sont en partie différentes, mais force est de constater que le champion du monde sortant des récentes éditions n’a jamais pu faire une bonne Coupe du monde quatre ans plus tard.

Mais dans le cas précis de la France, les contextes de 2002 et 2022 sont très différents. D’abord, en 2002, la France ne disposait plus à sa tête de l’entraîneur Aimé Jacquet qui l’avait menée au titre en 1998. Roger Lemerre était alors entraîneur des Bleus et ses choix tactiques pour remplacer Zidane et Pires avaient été désastreux. Alors qu’il disposait en position de meneur de jeu de Johan Micoud dans son effectif, Lemerre avait préféré lancer Christophe Dugarry au poste de numéro 10 pour le premier match, alors que ce poste n’était pas celui de prédilection de cet attaquant. À la différence de Lemerre, le coach de 2022, Didier Deschamps, est plus complet dans sa palette tactique, ne se bornant pas à garder le même système avec les différents aléas, et est l’un des meilleurs entraîneurs français de l’histoire. Avant les Bleus, son principal fait d’armes aura été de mener le club de Monaco à la finale de la Ligue des champions en 2004.

L’absence de Zizou en 2002, cruciale pour les Bleus

L’absence de Benzema en 2022 peut être palliée par plusieurs joueurs, dont le champion du monde 2018, Olivier Giroud. De plus, en ligne d’attaque, la France dispose d’un des meilleurs joueurs du monde, Kylian Mbappé, qui, même en présence de Benzema, aurait sans doute déjà été la clé du système de jeu mis en place par les Bleus, en raison notamment de sa vitesse. L’absence de Benzema en 2022 est donc moins handicapante que celle de Zidane en 2002.

Autres absents de la campagne 2022 pour blessures: Paul Pogba et N’Golo Kanté. Si ces deux joueurs, quand ils ont été associés, ont la particularité de n’avoir jamais perdu un match en équipe de France, leurs remplaçants sont des joueurs prometteurs que la Coupe du monde 2022 pourrait révéler encore plus. Ainsi, Adrien Rabiot, joueur de la Juventus de Turin, compte déjà 35 sélections à son actif et a franchi un palier cette saison en marquant davantage de buts. Il devrait être associé à Aurélien Tchouaméni au milieu de terrain, joueur du Real Madrid, club avec lequel il est titulaire. Tchouaméni a été choisi par le champion d’Europe en titre à l’intersaison pour remplacer le taulier Casemiro, ce qui donne une indication sur sa fiabilité et son potentiel. D’ailleurs, ses premières prestations avec les "Merengue" ont été prometteuses.

Autre différence fondamentale entre les contextes de 2002 et 2022 c’est qu’en 2002, la France avait gagné l’Euro qui avait suivi son titre mondial de 98. Au premier Mondial asiatique de l’histoire, en 2002, l’équipe était présentée comme invincible et surfait sur un excès de confiance. En 2022, la France sort d’une débâcle à l’Euro, où les coéquipiers de Raphaël Varane ont été éliminés dès les huitièmes de finale par la Suisse. Cet échec a permis une remise en question de toute l’équipe, qui aborde avec plus d’humilité le Mondial 2022.

Enfin, en termes de leadership, la France de 2002 avait disputé la compétition sans ses deux leaders de vestiaire du Mondial 98 et de l’Euro 2000, qu’étaient Didier Deschamps et Laurent Blanc. Le remplaçant de Deschamps pour le capitanat en 2002 était Marcel Desailly, qui avait décidé de donner une dimension excessivement marketing à sa carrière en multipliant les partenariats avec des marques. Illustration parfaite de cette dérive du capitaine de 2002, il avait déjà tourné une publicité avec Adidas en amont du Mondial 2002, avec un texte adapté à une défaite de l’équipe de France. Évidemment, Desailly pensait que cette défaite pourrait arriver en demi-finale ou en finale, mais la diffusion du spot dans la foulée de l’élimination de la France au premier tour l’a mis au centre de vives critiques. L’approche mentale du capitaine de l’équipe n’était donc pas la bonne, et tous les tauliers de l’équipe, qui étaient devenus très populaires après le sacre de 1998, avaient quelque peu été rattrapés par la grosse tête. Le capitaine en 2022, Hugo Lloris, déjà capitaine en 2018, renvoie une image plus humble et devrait savoir maintenir ses coéquipiers concentrés sur l’objectif sportif de 2022.

Si conserver le titre mondial sera certes difficile pour la France, un couac en 2022, similaire à celui de 2002, avec l’élimination au premier tour, semble à exclure.

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