Entre le possible et l’illusion du possible
L'hommage rendu à Hassan Nasrallah en Iran. ©Atta Kenare / AFP

En déclarant la guerre «de basse intensité» à Israël, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a commis une erreur qui lui a été fatale, et dont le Liban tout entier assume en ce moment les conséquences catastrophiques. Comment aider le Hezbollah à accepter l’échec de sa guerre, est la question du jour. Pour l’instant, ce groupe est toujours dans le déni, bien qu’il ait perdu ce que le professeur Amine Issa considère comme “sa principale force de conviction”, son secrétaire général, Hassan Nasrallah.

Érigée en référence d’orthodoxie absolue, la doctrine de ce dernier continuera encore très longtemps à hanter les esprits des membres du Hezbollah. Mais la révérence qui lui est portée les empêchera de tirer la leçon de ce qui se passe et de faire la distinction entre le possible et l’illusion du possible.

Il faut donc pousser le Hezbollah à changer de paradigme, à dépasser l’infantilisme idéologique qui lui a donné l’illusion que l’histoire est malléable, qu’il était à sa portée de modifier, sous l’impulsion de l’Iran, le paysage géopolitique de la région et de faire disparaître un État qu’il considère comme étant “une création artificielle”, qu’il est de son “devoir religieux d’anéantir”, selon des directives venues tout droit du Guide suprême de la Révolution islamique d’Iran, Ali Khamenei.  

Le résultat de cette illusion s’étale sous nos yeux. Et il faut craindre que, pour ne pas avoir à regarder les choses en face, le Hezbollah ne procède à une fuite en avant. Une fuite qui le conduira du rationnel à l’irrationnel, du tangible à des croyances messianiques sur le retour du Mahdi; une fuite en avant qui le fera rêver à des passages à l’action que l’historien Jean-Pierre Filiu décrit comme de “l’opportunisme eschatologique”, mais qui ont toujours échoué par le passé (*).

Pour aider le Hezbollah à reconnaître son erreur, il faudrait aussi éviter de provoquer, et surtout d'humilier la communauté chiite à laquelle il appartient.

Il faut surtout que le Liban sorte immédiatement de la logique de la guerre totale engagée à Gaza et dont il paie le prix, quitte à être accusé de défaitisme.

En janvier 2009, raconte l’historien Jean-Pierre Filiu, cité plus haut, l’offensive israélienne de vingt-trois jours contre la bande de Gaza, dite «Plomb durci», s’était déjà conclue sur un bilan très lourd de 1.417 Palestiniens tués (1.166 de sources israéliennes). Pourtant, le mouvement islamiste Hamas, dont la domination est sans partage à Gaza depuis 2007, avait décidé de célébrer sa «victoire» avec le soutien de la chaîne satellitaire Al-Jazeera, basée au Qatar.

Une équipe de télévision avait ainsi suivi les militants du Hamas en liesse dans les rues de Gaza, jusqu’à interroger une vénérable Palestinienne, prostrée devant les décombres de ce qui avait été sa maison: «Victoire? Vous célébrez une victoire? Mais encore une victoire comme celle-là et nous n’aurons même plus de tente pour nous abriter!» leur avait-elle lancé.

Cette prophétie est en cours d’accomplissement. Elle prouve une fois de plus que la solution à deux États est le seul horizon d’avenir pour la coexistence de deux peuples sur la même terre, et que l’effort diplomatique du monde entier, à commencer par celui du monde arabe, doit s’orienter dans cette direction.

(*) Jean-Pierre Filiu, “Gaza: la victoire en trompe-l'œil du Hamas”, L’Histoire, n°422 (Les Fanatiques de l’Apocalypse), avril 2016. https://sciencespo.hal.science/hal-03460644/document

 

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