Dans cet article, Laurent Le Vaguerèse explore les raisons pour lesquelles certaines personnes expriment une sorte d’hostilité envers la psychanalyse, soulignant que cette approche thérapeutique n’a jamais été la seule disponible. Il aborde également la manière dont les différentes approches se distinguent les unes des autres et souligne l’importance de reconnaître ces différences afin de choisir celle qui semble la plus pertinente pour chaque individu. Enfin, il discute des points essentiels qui distinguent la psychanalyse des autres approches et invite à un dialogue respectueux et ouvert entre les différentes disciplines.

Parfois, la redite par des interlocuteurs différents, à peu près dans les mêmes termes, d’une question ou en l’occurrence d’une affirmation, conduit à s’interroger. Que la psychanalyse ne soit pas la seule approche thérapeutique ni la seule théorisation concernant le fonctionnement du psychisme, cela n’a rien de nouveau et même cela a toujours été le cas. D’une certaine façon, depuis Janet jusqu’au cri primal en passant aujourd’hui par le comportementalisme tellement à la mode, la psychanalyse a toujours existé avec d’autres approches sans que cela ne provoque cette affirmation teintée de reproche voire d’agressivité. Pourquoi tant de haine, pourrait-on se demander en souriant?

Sans doute l’une des réponses se trouve-t-elle dans le passé récent au cours duquel la psychanalyse s’est voulue dominante voire exclusive de toute autre approche. La jeune génération, qui ne veut pas qu’on lui impose quoi que ce soit, a tendance à s’affirmer contre cette prétention supposément le reflet d’un passé dépassé. J’ajouterais que dans ce monde marqué par le consumérisme, ou tout semble s’équivaloir et où domine l’idée qu’il est souhaitable de tout faire pour éviter les conflits, chacun ayant un droit égal à la parole et peut se comporter comme il l’entend, penser ce qu’il veut, comme dit la chanson "chacun fait c’qui lui plaît, plaît, plaît", il ne vient peut-être plus tellement à l’idée qu’il existe des différences fondamentales entre ces approches et que, certes, on peut être davantage en accord avec telle ou telle, encore faut-il faire la part de ce qui les distingue et fonde leur singularité.

La psychanalyse, de par la complexification croissante de sa théorisation, les combats entre les différentes Écoles, le chahut qui a marqué son histoire récente sans parler des querelles de personnes, n’aide pas vraiment à ce que l’on puisse réfléchir calmement à quelques éléments essentiels qui la distinguent des autres approches et théories du psychisme. La grande majorité des psychanalystes, fidèles à l’esprit scientifique qui les anime par essence, loin de les écarter d’un revers de manche, sont en dialogue constant avec les recherches les plus avancées dans tous les domaines. Il est vrai que c’est davantage du côté des neurosciences que les choses ont semblé avancer dernièrement, mais il faut le souligner, tout autant Freud que Lacan – pour ne citer qu’eux – se sont toujours sentis concernés par les contributions d’autres disciplines et les ont intégrées dans leur réflexion.

Si l’on se penche sur les milliers de pages écrites par des psychanalystes qui ne sont pas avares en ce domaine et sans doute avec beaucoup d’excès, on peut encore en quelques mots rappeler ce qui distingue un psychanalyste, quelle que soit son orientation, d’un praticien se revendiquant d’une autre approche. Il me semble que cela est possible en effet. Pour ma part, j’en distinguerai quelques-uns qui me semblent essentiels. Sans doute pourrait-on en énoncer bien d’autres et je ne doute pas que je vais me faire rappeler à l’ordre par mes confrères; Mais soit, j’en accepte l’augure.

Bien évidemment le point de départ c’est l’existence de l’inconscient. Une fois cela posé, je dirais que la première conséquence – et non des moindres – c’est que tout psychanalyste a fait, de par sa propre analyse, l’expérience de ce qui peut animer ses choix conscients. L’importance de cette donnée n’échappera à personne car elle implique que la formation du psychanalyste passe par sa propre analyse et non par une quelconque théorie. Dans la pratique, cela change évidemment tout car cela permet d’écouter, sans mettre la parole du patient en coupes réglées, de se laisser traverser par cette parole.

Le second point consiste dans l’approche du symptôme. Ce dernier n’est pas notre cible, loin de là. Les autres approches visent à la suppression de ce symptôme, mais pour le psychanalyste, ce dernier est support de la structure. Autrement dit, il n’est pas là par hasard. Il sert à quelque chose pour le patient, la question étant de savoir préalablement à quoi.

Je ne dirai rien du transfert, bien que ce point soit également déterminant et que Freud en faisait l’essence même de la psychanalyse, affirmant ainsi que toute personne qui en admettait l’existence était de fait un psychanalyste, au moins en puissance.

Ces trois considérations fondamentales obligent celui qui veut recevoir des patients à se positionner, car elles s’opposent fondamentalement aux autres approches qui existent actuellement. On ne peut pas avoir un pied de chaque côté. Tout, en effet, ne s’équivaut pas. Il revient ensuite à chacun de choisir ce qui lui semble le plus pertinent.