Pierre Lacotte était un homme passionné, un "archéologue du ballet".
Danseur et chorégraphe français, il consacra sa vie à redonner vie aux ballets du 19e siècle en les faisant briller sur les scènes les plus prestigieuses du monde. Ayant gracieusement traversé les décennies, il s’est éteint à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui un héritage précieux.

C’est auprès de sa professeure de danse, la Russe Lioubov Egorova, prima ballerina du Mariinski de Saint-Pétersbourg et collaboratrice de Marius Petipa, que Pierre Lacotte puisa sa passion pour la danse. Avant de quitter ce monde, elle lui confia la mission de sauvegarder cet héritage artistique afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Né en 1932 à Chatou, dans les Yvelines, Pierre Lacotte grandit bercé par les mélodies qui l’entourent. Lorsqu’il découvre les ballets à l’Opéra de Paris, c’est le coup de foudre. Il intègre l’école de l’Opéra en 1942 et, malgré une santé fragile, il gravit les échelons pour devenir premier danseur en 1951. Serge Lifar le choisit alors pour interpréter sa création Septuor, aux côtés de Claude Bessy, la future directrice de l’école de danse.

Pierre Lacotte ne tarde pas à s’essayer à la chorégraphie, ses premières créations reflétant l’atmosphère de son époque: Exode en 1953, qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, et "La nuit est une sorcière" en 1954, sur une musique spécialement composée par le clarinettiste de jazz Sidney Bechet.
Dans les années 1960, il joue un rôle majeur dans la défection de Rudolf Noureev qui s’enfuit à l’Ouest, changeant ainsi le cours de l’histoire de la danse. Lors d’une tournée du Kirov à Paris, le jeune prodige découvre la ville lumière en compagnie de Pierre Lacotte et d’autres danseurs.

Au crépuscule des années 1960, une blessure à la cheville contraint Pierre Lacotte à ralentir son activité. Il se rend alors à la bibliothèque de l’Opéra de Paris et se plonge dans les archives, où il découvre une multitude de documents sur La Sylphide, premier ballet sur pointes de l’histoire, créé en 1832 pour l’Opéra de Paris par Philippe Taglioni pour sa fille, Marie.

Pierre Lacotte entreprend alors un travail minutieux de reconstitution, parcourant plusieurs pays et fouillant jusqu’aux caves du Louvre pour retrouver les pas de danse, les images de costumes et de décors de ce ballet mythique. "Quand je recrée un ballet, je suis en quête du parfum de l’époque", disait-il. Le chorégraphe redonne vie à de nombreux ballets oubliés de la période romantique, fasciné par leur "indéniable pureté de style".

"J’aime à me perdre dans les archives de la bibliothèque-musée de l’Opéra, me sentant comme un enfant qui déniche les correspondances de ses grands-parents au grenier", confiait Pierre Lacotte à La Croix. Cet alchimiste de la danse redonne vie à des ballets évanouis dans le temps: Coppélia (1870), Le pas de six de La Vivandière (1844), La fille du pharaon (1862) et Paquita (1846), illuminant les plus grandes scènes du monde de leur grâce retrouvée.

Pierre Lacotte, dont le nom résonne comme une ode à la danse, a endossé de multiples rôles au sein de maisons de danse prestigieuses, dont le Ballet de Nancy et de Lorraine, où il succède à Patrick Dupond. Les années passent, mais sa passion demeure inaltérable. En 2021, alors que les feuilles du calendrier marquent ses 90 printemps, il crée pour l’Opéra son dernier ballet, Le Rouge et le Noir, adapté de l’œuvre de Stendhal. Dans cette ultime chorégraphie, la danse se mêle à la littérature, écrivant ensemble un poème de mouvements et de mots, une ode à la beauté des arts.

Avec AFP