Le deuxième Festival du livre de Paris, qui se tiendra du vendredi 21 au dimanche 23 avril, s’apprête à accueillir l’Italie en tant qu’invitée d’honneur, ainsi qu’un collaborateur prestigieux dans l’univers de l’édition : l’application chinoise TikTok. Cet événement, orchestré au sein du Grand Palais éphémère à proximité de la Tour Eiffel, se veut davantage élitaire et moins colossal que le Salon du livre qui avait lieu précédemment à Paris Expo Porte de Versailles jusqu’en 2019.

Suite à une première édition en avril 2022 ayant réuni 90 000 visiteurs, mais ayant connu quelques désagréments, les organisateurs ont redoublé d’efforts cette année pour surpasser la barre des 100 000 visiteurs. Jean-Baptiste Passé, directeur général de la manifestation, a ainsi confié que " la capacité d’accueil est légèrement accrue ", " les accès ont presque doublé " et " l’aménagement de l’espace a été soigneusement repensé ", le tout agrémenté de cyprès d’Italie pour l’occasion. La sélection de l’Italie comme pays invité devrait susciter l’enthousiasme des visiteurs. La littérature italienne, familière aux lecteurs français, compte près de 1 000 titres acquis chaque année pour être traduits en France. Une cinquantaine d’écrivains sont ainsi attendus à Paris, incluant des célébrités telles qu’Alessandro Baricco, ainsi que des talents émergents comme Veronica Raimo (Tout faux, éditions Liana Levi).

Pour le Syndicat national de l’édition (SNE), instigateur de l’événement, le Festival constitue une vitrine cruciale de la vigueur d’un secteur économique éprouvé par la hausse du coût de la vie. Jean-Baptiste Passé a ainsi mis en exergue que " l’identité des maisons d’éditions doit être identifiable, repérable, dans un ensemble harmonieux ". Néanmoins, cette manifestation représente également un investissement conséquent pour les organisateurs, car les entrées, à 5 euros pour les plus de 25 ans, ainsi que les autres recettes (locations des stands, librairie), sont loin de garantir l’équilibre financier de l’événement.

Vincent Montagne, président du SNE, a déclaré que " l’année dernière, les éditeurs ont investi. Aujourd’hui, il est évident que ce festival ne pourra perdurer qu’avec des partenaires structurants et solides. C’est une stratégie claire ". Il est donc primordial pour les organisateurs de dénicher des partenaires robustes afin d’assurer la pérennité de cette manifestation. Le premier partenaire en vedette, visible sur les brochures et le site internet, n’est autre que TikTok. La plateforme chinoise forte d’un milliard d’utilisateurs nourrit des aspirations dans l’univers du livre, cherchant à promouvoir auprès de son public majoritairement âgé de moins de 30 ans, un statut de référence culturelle. Facebook n’a pas réussi à s’imposer en tant que tel, Twitter perd progressivement cette place, et Instagram ne stimule pas autant le phénomène " bookstagram ".

Le hashtag #booktok rassemble " plus de 17 millions de vidéos ", visionnées " plus de 109 milliards " de fois, selon les dires d’Élodie Ricquier Veybel, responsable des partenariats culture et éducation de TikTok en France, lors de la présentation du Festival en février. " TikTok est un partenaire précieux : ils semblent efficaces pour attirer les jeunes ", constate M. Montagne. D’ailleurs, chez les éditeurs, " des comptes TikTok voient le jour toutes les semaines ". Cependant, les effets d’engouement en librairie pour certains ouvrages, sous l’influence de TikTok, échappent souvent à tout contrôle. Joël Dicker, numéro deux des ventes de livres en France en 2022, s’est également lancé sur la plateforme. Au bout de six mois, il compte 5 500 abonnés. Les codes de #booktok contrastent avec l’univers feutré de la littérature : orthographe approximative, livres malmenés, crises de larmes face à un dénouement émouvant, langage cru…

Une vidéo de janvier montrant les couvertures de livres récemment acquis par une utilisatrice de TikTok, Julie Ferrat, est présentée à l’envers. Il est difficile d’y lire les titres, de droite à gauche. Néanmoins, tout éditeur rêverait d’y insérer ses ouvrages : la vidéo dépasse le million de vues. " Il y a une forme de spontanéité, d’horizontalité, qui nous convient très bien, si les éditeurs n’arrivent pas à toucher ce public de manière verticale ", estime Jean-Baptiste Passé. " Les adolescents ne sont-ils pas les meilleurs prescripteurs des livres qu’ils lisent ? "

Avec AFP