Mercredi soir, sous les feux des projecteurs du prestigieux Festival de Cannes, a été dévoilé Le Retour. Cette nouvelle œuvre de la cinéaste Catherine Corsini s’inscrit en compétition avec une promesse d’un voyage inédit au cœur des conflits familiaux et des quêtes d’émancipation. Ce drame personnel et social, tissé avec délicatesse et authenticité, puise son essence dans le lien profond que l’auteure entretient avec l’île de Beauté, la Corse.

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Pétrie de son histoire personnelle, cette narration introspective dépeint avec vigueur les soubresauts de l’émancipation sociale et personnelle d’une famille. Corsini nous livre une histoire délicieusement complexe, empreinte d’émotions profondes et de luttes intérieures, qui saura certainement émouvoir le jury et le public cannois.

Avec La Fracture, sa critique vibrante de l’hôpital public dans l’ère des manifestations des Gilets jaunes, Catherine, Corsini s’est affirmée en tant que cinéaste mordante. Aujourd’hui, la réalisatrice nous invite à prendre le pouls d’une histoire plus introspective, adoptant un rythme plus contemplatif pour nous conter la saga estivale d’une veuve et ses deux progénitures sur l’île de Beauté.

Khédidja, le personnage central, incarné avec une justesse saisissante par Aïssatou Diallo Sagna, une aide-soignante transformée en actrice par la magie de La Fracture, travaille pour une famille aisée et recomposée. Son portrait de la bourgeoisie de gauche, souvent déconnectée de la réalité, est peint avec une ironie délectable par Corsini, comme elle l’a confié lors d’un entretien. Denis Podalydès et Virginie Ledoyen se glissent à merveille dans les rôles des parents excentriques, à la fois hilarants et exaspérants.

Une femme portant un faux ventre de grossesse sur lequel est écrit " Gestation pour autrui " et un code-barres dessiné est retenue par la sécurité alors qu’elle manifeste sur le tapis rouge avant la projection du film " Le Retour ". (Photo de Patricia DE MELO MOREIRA / AFP)

Ces derniers, dépassés par la turbulence de leurs enfants pendant les vacances, invitent Khédidja à les accompagner en Corse. Cela donne l’opportunité à ses propres filles, brillamment interprétées par les quasi-novices Esther Gohourou (une révélation de Mignonnes) et Suzy Bemba, de s’offrir une escapade estivale. Le voyage promet de les plonger dans un univers lumineux où elles découvriront leurs racines de manière surprenante. La trame narrative se focalise sur l’émancipation de ces jeunes métisses dans le paysage enchanteur corse, entrelaçant avec habileté des enjeux sociaux, raciaux et sexuels. Le récit met en lumière les compromis et contradictions des personnages avec une finesse remarquable.

Cette pertinence pourrait bien tirer ses sources de la dimension autobiographique du film. En effet, Catherine Corsini a elle-même connu le deuil précoce de son père et a quitté la Corse avec sa mère, oppressée par le manque d’air. " Lorsque je me rends en Corse, je me sens souvent étrangère, comme décalée. Je désirais revenir à l’endroit qui a vu tant de mes larmes ", révèle la cinéaste, qui a choisi de filmer dans les contrées qui ont façonné son histoire familiale.

L’objectif de Corsini était de faire de la Corse un personnage à part entière, un témoin vivant de l’humanité qui se dévoile à travers les préjugés mutuels que son film s’emploie à déconstruire. Cependant, la réalisatrice a choisi de ne pas s’exprimer sur les controverses qui ont entouré les conditions de tournage de son film, laissant sa productrice, Elisabeth Perez, répondre à ce sujet. Celle-ci a vivement dénoncé un " acharnement " à l’encontre de Corsini suite à sa sélection à Cannes, tout en réfutant toute allégation de harcèlement lors du tournage.

Le Retour n’est pas seulement un brillant récit d’émancipation ; ce film est également une véritable déclaration d’amour à la Corse. Corsini a su magnifier l’île, la transfigurant en une toile de fond vivante, un personnage à part entière, ajoutant une dimension supplémentaire à l’intrigue. Sa représentation de l’île, teintée par son expérience personnelle, apporte une vérité poignante et une authenticité palpable à cette narration fascinante.

Alors que Cannes vibre au rythme de la compétition, Le Retour se profile comme un prétendant sérieux à la Palme d’Or, attirant les regards des critiques et des cinéphiles du monde entier. Cette œuvre promet d’être une exploration touchante de l’émancipation féminine et sociale, enveloppée dans le voile nostalgique des souvenirs personnels de Corsini. Une expérience cinématographique à ne pas manquer.