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L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir, nous dit Henri Bergson. De ce siècle dernier où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact dans le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.

Qui se souvient de Patrick Samson et les Phéniciens? Les frères Khoury triomphent pourtant à l’étranger en ce mois de juin 1964 lors d’une tournée où ils ont même été félicités par le général de Gaulle en personne. Les disques d’Enrico Macias, qui a pris part à une manifestation pro-sioniste, seront interdits au Liban à partir de juin 1967. Grâce à l’initiative heureuse du Conseil national du tourisme et du Conservatoire national, des concerts de musique se produisent dans les plus beaux sites touristiques du Liban. Ainsi le 7 juin 1968, après Byblos et Zouk Mosbeh, c’est Deir el Kalaa qui, l’espace d’une soirée, fait s’élever Mozart dans les étoiles d’un ciel de printemps. En juin 1969, le Liban finira deuxième aux Olympiades de la chanson qui se tiennent à Athènes. C’est sur les paroles et la musique d’Elias Rahbani que le chanteur Manuel se retrouve sur le podium avec sa chanson La guerre est finie (sic). Une victoire de plus pour le Liban avec le Prix de musique de la Reine Elizabeth remporté par un jeune pianiste virtuose. Abdel Rahman el Bacha n’a que 19 ans en juin 1978, mais il est ovationné par le public, ravi de sa performance. On dira adieu, le 21 juin 1986, à Assi Rahbani qui aura tracé en notes d’or la fabuleuse histoire des comédies musicales libanaises. Il est l’auteur de plus de 400 chansons. Le 15 juin 1990, c’est Nadia Gamal qui, à son tour, quitte la scène musicale. Avec son talent incontesté pour la danse orientale, elle aura marqué les esprits par sa grâce et sa carrière sans fausse note, sans oublier les écoles de danse qu’elle a mises en place. La première édition de la Fête de la musique se tient au Liban le 21 juin 2000. Une belle façon de commencer le siècle.

Juin 1960 verra pour la première fois l’élection de Miss Europe se dérouler hors… Europe. C’est dans le fabuleux Casino du Liban que sera sacrée, le 10, Miss Italie parmi 16 autres concurrentes. Défilés de haute couture, dîner de gala, au Liban cela se passe ainsi et cela deviendra une habitude. Chaque année, l’événement Miss Europe verra arriver les plus belles filles, des centaines de personnalités et autant de journalistes qui feront les louanges du pays. Le tourisme d’envergure est ainsi lancé, le Liban devient une destination très prisée et le Casino se montrera chaque année à la hauteur. Ce même Casino accueillera, le 22 juin 1960, un Sacha Distel qui conquiert tous les cœurs. Celui-ci fera le tour des endroits mondains et craquer plus d’un cœur féminin. Le Festival du printemps, au Sud, a une saveur particulière. Saïda accueille, en ce début juin 1963, corsos fleuris, voiliers décorés, théâtre flottant, danses folkloriques et plus de 100.000 personnes. Le 4 juin 1964, c’est Jacques Brel qui vient présenter ses nouvelles chansons au public libanais qui lui fait une ovation. Brel deviendra vite un habitué et se fera de nombreux amis au Liban. Le 24 juin 1968, on fête la Saint-Jean dans la baie de Jounieh avec, au programme, des compétitions de sports nautiques, des shows de ski nautique et des matchs de waterpolo. Sans oublier la dabké sur l’eau! Le 19 juin 1971, c’est le Beirut Woodstock Festival au stade de la Cité Sportive avec plus de 40 orchestres pop. Le Festival de Byblos accueillera, en juin 1972, Georges Moustaki et Barbara. Moustaki qui reviendra très souvent et qui se produira en juin 1974 avec Serge Reggiani. Durant la guerre, Charles Aznavour chantera en juin 1977 au Festival de Byblos, organisé avec maestria par Toros Siranossian.

Le théâtre continue d’enchanter les Libanais et, aux côtés des pièces françaises qui remportent toujours autant de succès, un théâtre libanais commence à émerger. Ainsi en juin 1963, Patate, la pièce de Marcel Achard, est présentée au Théâtre du Liban, et le 28 du même mois, c’est la pièce de Sartre, Les Mouches, qui est interprétée par le Théâtre Moderne à Byblos sous la direction de Mounir Abou Debs. Cette troupe, composée de plus de 25 acteurs professionnels, n’hésite pas à s’attaquer à des classiques comme Faust de Goethe et Caligula de Camus. Le 4 juin 1965, Curd Jurgens est un des acteurs de la pièce d’Henry Denker, Le Fil Rouge. La petite histoire dira qu’il a regretté de ne pas pouvoir prolonger son séjour dans un pays dont il a autant aimé la nature que la vie nocturne. Le 6 juin 1978 et après trois ans d’absence, le Théâtre de dix heures présente Kan Ya ma Kan devant un public très ému de retrouver Dudul, Gaston, Pierre, Edmond et Denise. Dans une des chansons, Pierre Gédéon aura ces mots: Un jour nous serons mille et cent, et nous irons main dans la main. Nous marcherons tout droit, de l’avant, en partageant le même destin. Au combat contre l’occupant, que ce soit l’un ou l’autre camp, pour sauver, s’il est encore temps, le Liban. Ce sera leur dernière apparition en public.

Dès juin 1944, un studio de cinéma est créé pour le Liban et la Syrie. Le 7e art a toujours eu le vent en poupe auprès des Libanais. Le 10 juin 1961, Beyrouth inaugure par un grand bal au Saint-Georges le premier Festival international du cinéma. Y participent la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’URSS, la RDA, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, le Japon et le Liban – avec juste un court-métrage. Les films seront projetés au Capitole. Il y aura chaque année un Festival, mais il se déroulera désormais en octobre. Côté vedettes, le Liban accueillera le 4 juin 1960 Frank Sinatra, venu en repérage pour un projet de film et qui passera ses soirées aux Caves du Roy. Tohu-bohu à l’aéroport de Beyrouth le 7 juin 1964 avec la très brève apparition des Beatles à la porte de leur avion sous les cris hystériques de milliers de fans agglutinés sur les terrasses. Le 4 juin 1971, c’est Mel Ferrer qui vient passer deux semaines au Liban à l’invitation de Issam Kashoggi. Il déclare vouloir y tourner un film.

Juin au Liban, c’est aussi l’inauguration officielle, le 9 juin 1923, du premier musée national, destiné à accueillir les divers objets des fouilles de plus en plus pratiquées au Liban. En juin 1941, De Gaulle en personne arpentera à pied les rues de Beyrouth jusqu’à la place des Martyrs. Juin au Liban, c’est aussi et surtout la création de la Croix-Rouge libanaise, en 1945, et sous l’impulsion de Laure el Khoury, l’épouse du chef de l’État. La CRL deviendra deux ans plus tard membre de la Croix Rouge internationale. Juin, c’est aussi, en 1947, la création d’un Comité national olympique, présidé par Gabriel Gemayel et dont la première initiative sera la participation libanaise aux Jeux Olympiques d’été de Londres, en 1948. Le 18 juin 1951, l’Unesco décide d’installer à Beyrouth son bureau régional. Le 21 juin 1970, le Musée de cire est enfin achevé grâce aux efforts ininterrompus de Habib Khoury. On y croisera entre autres Fakreddine et Riad el Solh, Sabah et Lamartine, Adonis et Astarté.

Tania Hadjithomas Mehanna