Marie Rouhban, cinéaste franco-libanaise, retrace son chemin de Paris à Los Angeles. Après un détour par le marketing et une collaboration avec Disney, elle plonge dans le cinéma à l’UCLA, tout en gardant un lien fort avec ses racines libanaises.

Comment vous est venue la passion du cinéma?

Dès ma plus tendre enfance, alors que j’allais faire les courses avec ma maman, nous passions devant un vidéoclub et les jaquettes des films exposées dans la vitrine me fascinaient. Je voulais systématiquement m’y arrêter. Plus tard, j’ai fréquenté une école à Paris qui donnait une grande place à la culture, et à partir de la classe de sixième, j’ai pu suivre des cours de cinéma. Cela m’a permis de me construire une culture cinématographique, et en terminale, j’ai annoncé à mes parents que je voulais faire du cinéma.

Quelle a été leur réaction?

Pas très enthousiaste! Ils m’ont suggéré de faire plutôt une école de commerce, quitte à rebondir plus tard sur le cinéma.

C’est ce que vous avez fait?

Oui, et je me suis inscrite à l’université Paris-Dauphine, puis j’ai été admise à l’ESCP, école de commerce assez réputée. Je me suis spécialisée en marketing et stratégie, en me disant que les aspects autour de la communication me permettraient de me rapprocher de ma passion.

Ce qui fut le cas?

Absolument. J’ai eu la chance, dans un premier temps, de travailler sur plusieurs grandes campagnes publicitaires pour Disney. Et puis, en 2016, j’ai rejoint une start-up dans le secteur de l’éducation pour laquelle j’étais en charge d’organiser des cours vidéos à distance, d’aménager les studios de tournage, la lumière, etc. Le groupe grandissait, et j’ai fini par convaincre mes patrons de me laisser gérer toute la dimension vidéo du groupe. Pas seulement les cours en ligne, mais aussi les scripts des pubs, leurs mises en scène, le montage, etc. C’est ainsi que j’ai pris conscience que c’était vraiment ce que j’aimais et souhaitais faire de ma vie.

C’est là que vous avez décidé de "plonger" vraiment dans le cinéma?

Tout à fait. J’ai économisé de quoi me payer une formation de cinéma à l’université UCLA de Los Angeles, haut lieu du cinéma, et j’y suis depuis deux ans et demi.

Vous y avez trouvé des opportunités?

Beaucoup. J’ai été amenée à tourner de nombreux courts-métrages et aussi à travailler comme assistante-réalisatrice, ce qui est le meilleur moyen pour apprendre le métier. Je suis aussi parfois engagée pour réaliser des projets tels que des films publicitaires, vidéoclips, etc. Je suis plus mitigée sur le style de vie de la ville, cela dit, et de ce point de vue, l’Europe me manque.

Vous aimeriez réaliser un long métrage?

Bien sûr, j’y travaille, et notamment sur l’adaptation d’un roman argentin dont j’attends que les droits se libèrent (en 2024). Je travaille également sur le scénario d’un long-métrage à partir de l’un de mes courts-métrages, dont le sujet est le réchauffement climatique. C’est assez courant dans le métier de présenter un projet de film à partir d’un court-métrage. Mon troisième projet est totalement nouveau et il tourne autour d’un sujet d’horreur psychologique.

Avez-vous été affectée par la grève qui sévit à Hollywood?

Pas au début, car j’étais en cours de tournage et qu’elle concernait uniquement les auteurs. Mais quand les acteurs s’y sont mis, de nombreux projets ont été arrêtés. Certains producteurs ont accepté les conditions des acteurs, ce qui a fait redémarrer quelques films. Voyons, en avril, à la reprise de la saison haute de tournage, ce qu’il en sera. En ce qui me concerne, ayant plusieurs casquettes, je ne suis pas vraiment à plaindre!

Le Liban a-t-il une place dans votre processus de création?

Je suis née en France d’un père libanais et d’une mère française. Enfant, je passais tous mes étés au Liban. Aujourd’hui, je suis plus loin du Liban, mais ma dimension libanaise me permet d’être plus optimiste et de vouloir toujours aller de l’avant. Ma joie de vivre me vient du Liban, et je me sens autant libanaise que française. Je pense que la dimension familiale que l’on retrouve dans mes films me vient de mon côté libanais. Si je devais tourner un film sur le Liban, le sujet en serait plutôt la société et Zghorta, le village dont ma famille est originaire. Je suis d’ailleurs fascinée par le cinéma libanais qui allie si harmonieusement tradition et progressisme.

Que faut-il vous souhaiter?

D’enclencher un long métrage aux États-Unis dans les trois années à venir. Puis de rentrer en Europe où le cinéma est plus humain, moins "machine à fric". J’ai hâte de retrouver la sensibilité de mes racines.

Zeina Saleh Kayali

Cet texte a été originalement publié sur le site de l’Agenda culturel.