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La douzième édition du festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec a été lancée le vendredi 17 novembre et se poursuivra jusqu’au 28 novembre au cinéma Le Trianon (Romainville) et dans les établissements culturels de la ville de Noisy-le-Sec. La cinéaste libano-palestinienne Maï Masri explique à Ici Beyrouth l’importance du cinéma pour le Liban.

Coup d’envoi vendredi, 17 novembre, de la 12e édition du festival du film franco-arabe de Noisy-le-sec au cinéma Le Trianon (Romainville). Le festival de cette année, qui se poursuivra jusqu’au 28 novembre dans les établissements culturels de Noisy-le-Sec, met l’accent sur le cinéma libanais à travers deux réalisatrices incontournables de l’histoire du cinéma du pays du cèdre: Jocelyne Saab (1948-2019), avec une rétrospective exhaustive de son œuvre (la première en France) dont une grande partie a récemment été restaurée, et la cinéaste libano-palestinienne Maï Masri, avec deux films, dont le dernier en date, inédit, Beyrouth l’œil du cyclone, et l’animation d’une master class sur sa carrière de reporter de guerre et de cinéaste documentaire.

Des rencontres et des dialogues avec plus d’une trentaine de cinéastes, originaires des pays arabes, sont prévus. Au programme: quinze longs métrages (huit fictions et sept documentaires), dont huit inédits, six avant-premières et une sortie nationale, parallèlement à une compétition de courts métrages. Des activités hors les murs sont également programmées dans les établissements culturels d’Est-Ensemble: sept projections, des concerts (Souad Massi, le collectif les Arabes du futur…), et des expositions (l’artiste libanaise Sirine Fattouh, l’artiste franco-tunisien Abdallah Akar…). Autant d’événements culturels qui viendront compléter le tableau foisonnant de la création franco-arabe contemporaine, également mise en lumière lors du festival.

Maï Masri

Témoin de l’Histoire

Le foisonnement de productions qui voient le jour ces dernières années, en fiction ou en documentaire, est impressionnant. Ce cinéma, témoin essentiel des mouvements de l’Histoire, rend compte de la nouvelle réalité des Libanais. C’est ce que soulève la cinéaste Maï Masri qui présentera deux documentaires illustrant les remous politiques au pays du Cèdre: Les Enfants de Chatila (1998) et son nouveau film inédit, Beyrouth: l’œil du cyclone (2021).

Première réalisatrice du cinéma palestinien, mais aussi première cheffe opératrice et première monteuse, Maï Masri a réalisé de nombreux films documentaires sur la guerre civile libanaise et le sort des Palestiniens. Elle documente tant la situation des Palestiniens (Enfants de Chatila, 1998) que la guerre civile au Liban. Sa première fiction, 3000 Nuits (2015), traite de la détention des femmes palestiniennes en Israël. Son dernier film, Beyrouth, l’œil du cyclone, en est un témoignage essentiel.

Ces fictions et films documentaires ont tout pour être des documentaires journalistiques, et pourtant la cinéaste s’éloigne volontairement de cette voie, comme elle nous l’explique lors d’une interview express à Ici Beyrouth: "Je suis loin du journalisme, volontairement. Tout en étant authentique en reflétant la réalité, ce qui m’intéresse, c’est raconter une histoire avec ses faits, en intégrant des personnages inspirés de la réalité. Ce que je fais, c’est du documentaire créatif, c’est-à-dire faire passer un message, mais à travers la créativité, et donc raconter une histoire avec des personnages pour faire ressortir une certaine poésie de cette réalité."

Ces films documentaires et ces fictions traitent de tous les sujets sociaux, de l’humanité et du quotidien. Pour elle, c’est à travers le cinéma qu’il est possible de comprendre et de percevoir la réalité d’une situation. Le cinéma a le pouvoir de faire parvenir une voix, un message et des images authentiques.

Un témoignage incontournable

Ayant filmé essentiellement dans des situations de guerre et de conflits, principalement dans les territoires palestiniens et au Liban, la cinéaste a appris à travailler en s’adaptant au moment présent et à la situation vécue, faisant de ses films un témoignage incontournable: "À titre d’exemple, dans mon film Les Enfants du feu, je me suis concentrée sur les enfants, leur quotidien, et comment ils percevaient et vivaient cette situation de guerre, relève Maï Masri. Je me suis retrouvée à filmer en cachette, par la fenêtre, parce qu’il y avait un réel danger à l’extérieur. Je vivais donc le moment présent, avec eux, et je créais au fur et à mesure."

Et la cinéaste d’ajouter: "Ces expériences m’ont appris à m’adapter et à créer en fonction du moment présent, sans avoir d’idées préconçues. Pour moi, ce sont ces genres de films qui montrent la réalité du moment, plus authentique et plus vraie que celle des médias à la télé."

L’œuvre de Jocelyne Saab

C’est cette expérience que Maï Masri partagera lors de sa master class du samedi 25 novembre, à 16 heures, au Trianon, en projetant des extraits de ses films et documentaires pour montrer l’importance des images et la réalité sur le terrain. Un point commun avec Jocelyne Saab qui, elle aussi, a travaillé sur des documentaires créatifs.

Jocelyne Saab

Pour comprendre aussi le travail de Jocelyne Saab et découvrir la réalité du terrain, le festival met également l’accent sur la restauration de l’intégralité de l’œuvre de Jocelyne Saab, soit une quinzaine de films. Le festival présente ainsi, pour la première fois en France, la rétrospective de Jocelyne Saab avec trois courts métrages: Sud-Liban, histoire d’un village assiégé (1976), Les Enfants de la guerre (1976) et Lettre de Beyrouth (1978). À cela viennent s’ajouter quatre fictions ou docufictions: Une vie suspendue (1985), Il était une fois Beyrouth, histoire d’une star (1994), Dunia (2005), et What’s Going on? (2009). L’intégralité de ces films sera projetée après le festival jusqu’au 10 décembre dans différents lieux culturels et salles de cinéma. Les séances seront marquées par des débats avec des personnalités ayant connu Jocelyne Saab afin d’avoir une vision plus globale de ce personnage qui a marqué l’histoire du cinéma libanais.

Ici Beyrouth a rencontré la cofondatrice et présidente de l’association Jocelyne Saab et directrice artistique du festival franco-arabe de Noisy-le-sec, Mathilde Rouxel, qui a exposé le contexte de la restauration de l’œuvre de Jocelyne Saab et l’organisation de la rétrospective à Paris. Cette rencontre, qui a eu lieu dans les locaux de Fluctuart, à Paris, fera l’objet d’un prochain article.