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"Denys l’Ancien, tyran de Syracuse, vivait dans un château cerné d’une fosse et sans cesse sous la surveillance de nombreux gardes. Denys, qui était toujours inquiet, se trouva des courtisans qui devaient le flatter et le rassurer. Parmi eux, Damoclès, roi des orfèvres, ne cessait de flatter son maître sur la chance qu’il avait d’être le tyran de Syracuse. Agacé, celui-ci lui proposa de prendre sa place le temps d’une journée. Au milieu du festin, Damoclès leva la tête et s’aperçut qu’une épée était suspendue au-dessus de lui et n’était retenue que par un crin de cheval. C’est pourquoi depuis le dix-neuvième siècle, on parle d’une épée de Damoclès pour décrire une situation particulièrement dangereuse ou pénible."

Dans notre coin du monde, au Liban, où la tragédie est aussi habituelle qu’un voisin qu’on croise tous les jours, cette épée de Damoclès, qui fait frémir le reste du monde, est pour nous un simple élément de décor. Elle est là, comme ce vieux meuble dans le salon, tellement intégré dans notre paysage qu’on l’oublie presque. Alors que le monde extérieur tremble à l’idée de cette épée menaçante, nous, une poignée de résistants dans ce pays, avons appris à vivre avec elle, à la contourner, presque à l’ignorer, transformant ainsi une terrifiante menace en un banal meuble de notre quotidien.

L’épée de Damoclès, omniprésente depuis notre naissance, est un rappel constant que la vie au Liban n’est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt un torrent sauvage qui emporte tout sur son passage, y compris parfois le bon sens. Mais nous, Libanais, avons développé l’art de naviguer dans ces eaux turbulentes, esquivant les obstacles avec une élégance de danseurs étoiles en pleine tempête.

L’hiver, avec son froid implacable, est devenu un complice dans notre lutte. Il observe, amusé, nos tentatives pour rester au chaud, se moquant gentiment de nos couches de vêtements qui nous font ressembler à des oignons ambulants. Dans les rues, le froid nous pince, nous rappelant que même les éléments se sont alliés pour tester notre endurance.

Mais nous, Libanais, avons un secret: notre humour, tranchant comme une lame. Face à l’adversité, nous ripostons avec cette arme affûtée. Quand l’épée de Damoclès menace de s’abattre, nous la défions avec un sourire: "Ah, tu tombes maintenant? Attends, je suis en retard pour mon rendez-vous chez le coiffeur. Reviens plus tard!"

Dans un élan de bravoure typique à notre engeance, nous avons décidé de prendre le contrôle de cette fameuse épée. Avec un sourire malicieux, nous l’avons transformée de symbole de destin précaire en un ustensile domestique quotidien. "Tu veux nous intimider? Deviens donc un porte-manteau!" Ainsi, l’épée de Damoclès s’est vue reléguée au rang de vulgaire accroche pour nos manteaux et écharpes.

Cette légèreté apparente masque une résilience sans cesse fragilisée. Chaque blague cache une dure vérité: nous avons appris à danser sous la menace, à sourire au danger. Notre hiver perpétuel est devenu notre terrain d’entraînement, où nous apprenons à boxer avec les ombres, à jouer avec le risque.

" Cachez cette épée de Damoclès que nous ne saurons voir ! " Mais nous l’avons non seulement vue, mais également maîtrisée et transformée en un siège sur lequel nous trônons, souverains de notre destin. Par un tour de magie digne des plus grands illusionnistes, nous avons converti notre plus grande peur en symbole de triomphe.

Ainsi, dans le froid de l’hiver et sous la menace de l’épée, nous avançons néanmoins avec le sourire. Nous jonglons avec les défis de la vie libanaise, prouvant chaque jour que notre esprit ne connaît ni le froid ni la peur.

Sous le ciel hivernal, dans notre théâtre de l’absurde, nous jouons notre rôle avec un talent inégalé, démontrant que, même face à la menace la plus sombre, un Libanais saura toujours trouver une raison de sourire, de résister et, par-dessus tout, de vivre pleinement. Même pas peur!

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