Charif Majdalani, romancier libanais d’expression française, auteur de Beyrouth 2020, Journal d’un effondrement (Seuil) et Histoire de la grande maison (Seuil), publie Dernière oasis, aux éditions Actes Sud – L’Orient des livres. Un roman dont l’intrigue se déroule en Irak, à la veille de l’invasion du pays par L’État islamique.

Thriller géopolitique

Roman d’aventures, thriller géopolitique, histoire d’amour et de méditation sur le temps et l’histoire. Le roman nous plonge dans le Moyen-Orient contemporain. L’action se déroule au printemps 2014, période qui va voir l’irruption de l’EI.

Le narrateur du roman de Charif Majdalani est un archéologue libanais, contemplatif, nostalgique, en quête d’une certaine beauté originelle et d’émotions esthétiques. Il est sollicité pour examiner des frises assyriennes détenues par un général Irakien, Ghadban, persuadé que ce sont là les derniers vestiges du paradis de la Bible. Et ce personnage un peu fou rêve de tout replanter et de ressusciter le paradis.

L’aventure du narrateur commence au moment où il arrive à  cette oasis, un endroit complètement retiré du monde, mais menacé par le danger que constituent les barbares. Ce n’est pas vraiment une oasis, mais une plantation fatiguée, entourée de désert et de terres anciennement cultivées. Il trouve dans cet endroit une paix qui réveille en lui une nostalgie en dehors du temps. Il commence à méditer sur l’art et l’histoire et réalise que, dans la découverte archéologique, "le plaisir est souvent moins dans la contemplation que dans le dévoilement d’une œuvre, dans son surgissement silencieux au milieu de l’immense bric-à-brac du monde et de nos vies". Cependant, le narrateur est quand même intrigué par ce général et va s’interroger sur ses origines et sa personnalité. Qui est vraiment Ghadban, insaisissable et charismatique? Où a-t-il trouvé le trésor? L’a-t-il pillé? Quelle en est la destination? Une série de questions traversent l’esprit du narrateur qui va, tout au long du roman, construire des hypothèses pour lever le voile sur le mystère entourant le personnage de Ghadban, du trésor, de la fille du général et des officiers.

Il va alors construire des scénarios et tester des hypothèses. S’il pense avoir compris, il va découvrir que chaque explication est en fait le fruit du hasard.

Un élément perturbateur advient et le cours de l’histoire change. Le destin du monde est bouleversé par le changement d’itinéraire d’un convoi dans une rue de Moussoul.

Roman de la dichotomie et le monôme salvateur

Le roman de Charif Majdalani est érigé sur la dichotomie traduite par l’immobilité/mobilité, le hors-histoire/ l’histoire, l’utopie/l’entropie. Tout cela se traduit par l’oasis et le désert qui entoure le personnage. La première représente le hors-temps, le paradis perdu que le général essaie de restituer, alors que le second représente la mort: "Ces montagnes de l’est étaient le seul côté que je regardais sans inquiétude. Derrière les autres lignes de l’horizon plat, où le ciel et la terre se touchaient dans le frémissement de lumière, se cachait le danger, le point imprécis d’où allaient surgir les hordes mortelles qui menaçaient le monde civilisé (…) Durant mes journées, je contemplais avec fascination, au nord et à l’ouest, les confins éblouissants du désert et leurs lignes raides et frémissantes de lumière, comme une abstraite sommation, conscient que leur beauté était empoisonnée par la menace qui se cachait derrière, mais sans en mesurer tout l’abîme."

La dichotomie qui va dissiper le mystère est celle du monde masculin et du monde féminin. Le premier envahit le roman alors que le deuxième est uniquement représenté par Chirine, la fille de Ghadban, qui est plus mystérieuse que son père, lequel a des attitudes curieuses qui vont pousser le narrateur à tirer de fausses conclusions. Cette figure féminine, elle-même mystérieuse, dans un monde d’hommes, a un rôle fondamental dans le roman parce que c’est grâce à elle que la recherche de la vérité s’organise. Elle permet de cristalliser le sens pour révéler ce qu’il y a à comprendre. Cette explication d’évènements saugrenus advient quelques années plus tard, dans un contexte inattendu, lorsque le narrateur-personnage rencontre Chirine qui lui livre tout ce qu’il a besoin d’entendre pour rassembler enfin le puzzle et constituer la version finale de son séjour à Moussoul.

Le roman s’ouvre sur une longue phrase qui constitue une métaphore d’entrée théâtrale: "Lorsque j’ouvrais la porte-fenêtre, le rideau soudain prenait le large et me précédait à l’extérieur avec une lenteur cérémonieuse, porté par l’air chaud du matin, gonflé d’une joie silencieuse", et se referme lentement sur lui-même par un autre passage descriptif où s’exprime un désir de retrouver le hors-temps, le paradis perdu: "Une porte grinçait quelque part. Puis, dans le silence, le son répété, crissant et doux, du balai du gardien qui balayait avec une lenteur et une constance presque immémoriales devant la porte… portait en lui tous les souvenirs de tranquillité, de sécurité et de paix d’un monde à ses origines."