La secrétaire adjointe au Trésor américain, chargée du financement du terrorisme et des crimes financiers, Elizabeth Rosenberg, a pointé du doigt la corruption, responsable selon elle, de l’effondrement économique et financier du Liban, ainsi que le financement du terrorisme à travers la filière bancaire normale. Elizabeth Rosenberg a notamment cité le Hezbollah dans ce cadre et souligné que l’Administration américaine est déterminée à combattre les deux.

La responsable américaine qui s’est exprimée sur les deux sujets au cours d’une visioconférence organisée par l’Union des banques arabes, à partir de Beyrouth, faisait ainsi écho aux propos tenus en décembre dernier par le sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian Nelson. Ce dernier avait pressé le secteur bancaire libanais, au cours d’une visioconférence avec l’Association des banques du Liban (ABL), d’être plus diligent et plus rigoureux dans l’identification des personnalités politiquement exposées (PPE) sous peine de s’exposer à des sanctions en cas de défaillance à ce niveau. Il avait aussi souligné la responsabilité du secteur bancaire et de l’Etat libanais dans la lutte contre la corruption endémique dans le pays.

Dans son intervention, Mme Rosenberg a d’emblée accusé le Hezbollah d’" acheminer toujours des dizaines de millions de dollars vers ses agents, en utilisant des passeurs de fonds, mais aussi à travers des transactions bancaires et des opérations de change ", avant de souligner la responsabilité de " chaque individu impliqué dans le système financier mondial, de s’assurer que les terroristes ne peuvent pas bénéficier de ce système ".

Pour elle cependant, la corruption, autant que le financement du terrorisme, menace le système financier internationale. Elle a évoqué en particulier l’évasion fiscale sous toutes ses formes, ainsi que les différentes opérations de blanchiment d’argent, en relevant deux éléments principaux qui relient, a-t-elle estimé, tous les actes de corruption : la menace qu’ils représentent pour les sociétés et la possibilité de les contrer. Et d’expliquer : " D’abord, ils prennent les ressources des citoyens ordinaires, sapent la confiance du public et, en fin de compte, menacent les fondements mêmes d’une société équitable. Ensuite, comme presque chaque acte de corruption passe par le système financier formel, il est possible d’y mettre un terme ".

Pour illustrer ces propos sur l’impact préjudiciable de la corruption sur les sociétés, la responsable américaine a donné l’exemple du Liban " qui, selon la Banque mondiale, connaît l’une des trois pires crises bancaires depuis l’année 1857 ". " L’économie du pays s’est contractée de plus de trente pour cent en termes réels entre 2019 et 202, la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté et les pénuries de carburant, de lait pour enfants et même de médicaments contre le cancer sont devenues monnaie courante ", a-t-elle rappelé.

Réseaux de clientélisme et accords détournés

En cause, selon des explications, " les décisions économiques prises pendant des années par les gouvernements libanais successifs sur base non pas des réformes indispensables, mais des réseaux de clientélisme et des accords détournés entre partis politiques, y compris le Hezbollah ". " Dans le même temps, a déploré Elizabeth Rosenberg, le peuple libanais plaçait son argent dans les banques locales et devait normalement pouvoir en disposer, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Depuis que le Liban a fait défaut sur ses paiements obligataires en 2020, le système bancaire du pays est devenu un coffre-fort auquel seuls quelques privilégiés peuvent accéder ".

Relavant que ce problème se pose dans d’autres pays, la responsable américaine a relevé l’importance d’une action collective pour combattre la corruption et rappelé que l’Administration du président Biden en a fait son cheval de bataille, en lançant en décembre dernier la toute première stratégie des Etats-Unis en matière de lutte contre la corruption. " Cette lutte est une priorité pour le département américain du Trésor ", a-t-elle ajouté, en soulignant de nouveau la responsabilité des banques à ce niveau. " Alors que certaines institutions financières ont peut-être donné la priorité aux meilleures pratiques anti-corruption, de nombreuses banques n’en ont pas fait assez. Nous devons tous rester vigilants pour nous assurer que nos banques et nos banquiers ne facilitent pas la corruption. Dans les pays de la région, nous avons observé des tendances dans lesquelles certaines personnes politiquement exposées ont cherché à dissimuler leurs gains mal acquis par des transferts vers des juridictions secondaires, sous leur propre nom ainsi que celui des membres de leur famille et de leurs associés. C’est quelque chose que les banques ont la responsabilité, voire l’obligation, d’identifier et d’arrêter ", a-t-elle dit, avant d’annoncer que le Trésor américain " exigera bientôt de nombreuses entreprises américaines et étrangères de signaler leurs véritables bénéficiaires effectifs et de mettre à jour ces informations lorsque ces bénéficiaires effectifs changent ".

Elizabeth Rosenberg a dans ce cadre appelé les banques arabes à collaborer en " mettant en place et en maintenant des programmes solides de conformité ". Il s’agit de programmes conçus pour " identifier et perturber l’intégration des clients et le traitement des transactions impliquant des pots-de-vin ou des fonds publics expropriés ". " Une diligence raisonnable accrue est impérative lorsqu’il s’agit de traiter avec des personnes politiquement exposées, en particulier en provenance de pays confrontés à l’instabilité comme le Liban, l’Irak, le Soudan, la Libye, la Somalie et l’Éthiopie ", a-t-elle insisté avant de demander à l’Union arabe des banques de continuer de " mettre en œuvre des mesures de conformité strictes en ce qui concerne le contournement des sanctions iraniennes, syriennes ou autres ".