Le pouvoir d’achat de la livre libanaise reste en tête des priorités dans une ambiance de crise économico-financière sans précédent. À ce problème est venu se greffer celui de l’accès de plus en plus difficile de l’employé à son salaire.

La problématique a été soulevée mercredi explicitement par le ministre du Travail, Mostapha Bayram, qui, dans une lettre adressée à la Banque du Liban (BDL) et à l’association des banques au Liban (ABL), les a invitées à libérer la totalité de la rémunération du salarié en livres à l’échéance, sous peine de poursuites judiciaires.

En effet, les établissements de crédit ont fixé des plafonds – qui sont révisés à la baisse presque chaque semaine – aux retraits en livres libanaises. Ces plafonds qui varient entre 5 et 6 millions de livres par mois pour chaque client sont appliqués aux montants des salaires domiciliés auprès des banques et non seulement aux comptes courants. Le retrait du montant autorisé est par ailleurs soumis à une contrainte d’échelonnement. Il est effectué en deux ou trois fois.

Le solde restant du salaire, l’employé est obligé de le dépenser en utilisant sa carte de crédit. Cette mesure intervient à un moment où l’économie du Liban devient une économie de cash et que la majorité des petites et moyennes entreprises refusent le paiement électronique.

Ces restrictions sont jugées insupportables, voire infernales, par les salariés, d’autant que si le taux de change du $/LL est stable depuis quelque temps, le pouvoir d’achat de la livre libanaise continue, lui, de s’enfoncer.

Entre 2019 et 2021, la livre a perdu 82% de son pouvoir d’achat selon un rapport de l’Escwa sur la parité du pouvoir d’achat (PPA), publié début février 2022. Ces résultats ont également révélé une baisse profonde du pouvoir d’achat de la livre libanaise au niveau de la consommation des ménages, indiquant qu’en 2021, les ménages auraient eu besoin de 5,5 fois le montant en livres libanaises qu’ils payaient en 2019 pour obtenir la même équivalence en dollars américains.

Les contraintes des banques  

Les mesures d’austérité mises en place par les banques sont dictées par le manque de liquidités dans leur trésorerie. Ce manque est la conséquence, en partie, des effets de la circulaire 161 et de ses amendements, émise par la Banque centrale le 20 décembre 2021. Celle-ci visait à assécher la masse monétaire en livres dans l’objectif ultime de freiner la demande sur le billet vert, explique un banquier. Ainsi, la Banque du Liban a restreint l’approvisionnement de la part en livres libanaises revenant mensuellement à chaque établissement de crédit, leur fournissant en remplacement des dollars en banknotes.

Une autre source bancaire a confié à Ici Beyrouth que le manque de liquidités auprès des établissements de crédit est aussi la conséquence de la tendance des grandes entreprises à retenir leur cash-flow dans leur caisse pour acheter des dollars sur le marché à un meilleur taux que celui de Sayrafa. Pour contrecarrer de tels agissements, certaines banques ont exigé des entreprises clientes de déposer en cash les salaires de leurs employés dans des comptes de livres fraîches. Dans de tels cas, l’employé est habilité à retirer le total de son salaire.

Une échelle des salaires variable  

Une source proche du ministère du Travail a indiqué que le ministre Mostapha Bayram, une fois le projet de budget voté par les députés, convoquera la commission de l’indice des prix à une réunion. Cette commission, qui ne s’est pas réunie depuis cinq ans, sera appelée à examiner la possibilité de la fixation d’un SMIC en l’indexant à un indice de cherté des prix révisable périodiquement.

La source précitée n’a pas manqué de souligner que le ministre est parfaitement conscient du fait que l’inflation, qui grimpe sans relâche depuis 2020, a perturbé la structure de coûts des entreprises tout comme elle a affecté de pleins fouets le pouvoir d’achat des salariés.