Le Liban entame sa deuxième semaine sans président de la République. Et pour cause, aucun candidat à la Magistrature suprême ne parvient à obtenir le nombre de voix requises au sein de la Chambre pour accéder au siège tant convoité. Certains réclament un candidat de défi, alors que d’autres préfèrent élire un candidat consensuel. Une dissension qui ne fait que prolonger la période de vacance présidentielle et bloquer le bon fonctionnement des institutions.

Une réalité à laquelle le Liban a déjà été confronté au fil des années, mais qui revêt cette fois-ci une importance particulière, en raison de la crise politique et économique dans laquelle il est plongé. Face à cette situation, comment l’Arabie saoudite, la France, les États-Unis se positionnent-ils vis-à-vis de l’échéance présidentielle ?

L’approche saoudienne

" La politique étrangère de l’Arabie saoudite au Liban est une vraie énigme. Elle se base sur l’obtention d’informations plutôt que sur une approche analytique des faits. Des changements soudains et des revirements inattendus peuvent être effectués à tout moment, ce qui rend l’interprétation de son rôle difficile ", indique un politologue sous le couvert de l’anonymat. " L’échéance présidentielle a permis à la monarchie – jusqu’à un certain degré – de réintégrer la scène politique libanaise par le biais de son ambassadeur à Beyrouth, Walid al-Bukhari. Cette méthode n’est pas tout à fait efficace, car le panorama sunnite au stade actuel est complexe d’un point de vue politique et régional, ce qui explique son échec à rallier les députés sunnites autour d’un même candidat présidentiel. Cela dit, la présence de la monarchie n’est pas pro-active puisqu’elle se traduit par l’usage de procédés un peu dépassés, tels que le recours au mufti de la République ou aux apartés avec des politiques sunnites ", a-t-il estimé.

Un point de vue que ne partage pas l’ancien député Farès Souhaid. " La France, l’Arabie saoudite et les États-Unis ont appelé le 23 septembre dernier à l’application de la Constitution libanaise, de l’accord de Taëf et des résolutions des Nations unies. Pour donner suite à cette initiative, le forum tenu au palais de l’UNESCO est venu traduire la teneur de ce communiqué en agissant en tant que contrepoids face à l’influence croissante de l’Iran dans la région, en insistant sur l’arabité du Liban, sa souveraineté, son indépendance, le respect de l’intégralité de son territoire ainsi que de son armée ", a souligné M. Souhaid à Ici Beyrouth. Et d’ajouter : " L’Arabie saoudite ne soutiendra pas un candidat qui s’inscrit dans la continuité de l’ancien président, Michel Aoun, mais elle ne se prononcera que lorsqu’elle aura abouti à un consensus avec la France et les États-Unis ".

L’approche française

Du côté de la France, l’approche vis-à-vis de la présidentielle libanaise demeure la même. D’ailleurs, le président français Emmanuel Macron a insisté samedi sur la nécessité d’élire un chef de l’État au Liban dans les plus brefs délais, afin que soit mené à bien le programme de réformes structurelles indispensables au relèvement du pays. Un positionnement qui laisse présager que l’Élysée porte peu d’importance à la personne qui succèdera à Michel Aoun, tant que les réformes requises sont implémentées. En effet, Riyad et Paris avaient proposé au Liban une feuille de route pour une sortie de crise, prévoyant une série de mesures comme le contrôle des frontières, la lutte contre la corruption, le monopole des armes et l’ "arrêt d’actes terroristes à partir du Liban " , en allusion au Hezbollah.

" L’initiative franco-saoudienne est toujours d’actualité, et elle se base sur un marché qu’a proposé le président Emmanuel Macron au royaume saoudien : aider le Liban sur le plan humanitaire, afin de pouvoir réintégrer la scène internationale où il était isolé depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi ", a noté le politologue précité.

À titre de rappel, cette initiative franco-saoudienne était l’aboutissement de longs mois de labeur, dans le but d’assainir les relations libano-arabes qui s’étaient détériorées à cause des propos tenus par l’ancien ministre de l’Information Georges Cordahi, qui avait critiqué en octobre 2021 l’intervention militaire menée par l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition, au Yémen. M. Cordahi avait également défendu les rebelles Houthis pro-iraniens dans ce pays.

L’approche américaine

" Les États-Unis, quant à eux, se félicitent de la conclusion de l’accord sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël, occultant le fait que cet accord a légitimisé la classe dirigeante, a relevé le politologue. Cela prouve que les Américains n’ont aucun problème à collaborer avec des responsables corrompus tant qu’ils parviennent à conclure des marchés qui servent leurs intérêts ", a-t-il déploré.

Quoi qu’il en soit, la vacance présidentielle au Liban est loin de toucher à sa fin. Elle pourrait durer des mois, voire des années, si les conjonctures internationale, régionale et locale ne convergent pas. Élire un candidat consensuel à la présidence semble être la seule solution viable pour sortir le pays de la pire crise politique et économique de son histoire.