Dix ans déjà que Nassib Lahoud nous a quitté. Dix ans que son absence se fait de plus en plus ressentir, qu’il est en ce sens plus que jamais présent, malgré son absence.

Nassib Lahoud symbolisait un autre Liban. Un Liban réconcilié avec lui-même et avec son environnement arabe. Un Liban où la politique serait différente, car fondée sur la culture de la vie, sur des valeurs morales, des valeurs aux antipodes du suivisme, de l’allégeance aveugle, de la corruption, de l’exacerbation des sentiments sectaires, de l’opportunisme qui consisterait à accepter n’importe quoi, notamment les armes du Hezbollah, pour accéder à la présidence de la République.

Nassib Lahoud n’a pas abreuvé les Libanais de promesses portant sur la droiture et l’intégrité. Il les a pratiquées. Il a refusé de contracter des contrats en rapport avec le secteur de l’électricité dès l’instant où il a entamé sa carrière politique, d’abord en tant qu’ambassadeur du Liban à Washington, ensuite en tant que député. Il ne ressentait pas le besoin d’accroître ses rentrées, contrairement à la plupart des politiciens libanais, notamment les chrétiens et les maronites ayant l’ambition d’accéder à la présidence de la République.

La disparition de Nassib Lahoud a été aussi celle de l’un des derniers politiciens libanais capables de faire preuve de réalisme sans pour autant se départir des valeurs. C’était un politicien chrétien qui connaissait bien le monde arabe, mais aussi le monde dans le même temps. Mais il était avant tout un politicien qui connaissait étroitement le Liban et qui refusait d’être prisonnier de sa communauté. Le parti qu’il avait fondé, et qui n’a pas pu tenir la route après sa disparition, était un modèle restreint de la mosaïque et de la diversité libanaises.

Dix ans après la disparition de Nassib Lahoud, le Liban ressent de plus en plus son absence. Peu de personnalités ont une présence qui se fait ressentir après leur absence, surtout à l’ombre du vide moral dont pâtit le Liban. Ce qui a manqué surtout au Liban, après le grand départ de Nassib Lahoud, c’est la présence d’un président de la République qui aurait pu redonner au Liban ce dont il a surtout besoin, à savoir l’équilibre, la sérénité, la sagesse, et la transparence.

L’importance de Nassib Lahoud réside dans le fait qu’il aurait pu être le président-modèle qui n’établit pas de distinction entre un Libanais et un autre, un président qui se place au-dessus de la mêlée, et qui se démarque des petits calculs politiciens auxquels se livrent les politiciens qui parviennent à remporter un siège parlementaire en ayant recours aux sentiments sectaires.

Les ignares reprochaient à Nassib Lahoud son élitisme. Cela est effectivement vrai dans une large mesure, comme l’a démontré sa capacité à fonder un parti qui ne regroupait que des membres intègres de toutes les communautés et régions libanaises. Ce parti comptait parmi ses membres des sunnites, des chiites, des chrétiens, des druzes, des riches, des pauvres, et des gens de la classe moyenne. Le mouvement du Renouveau démocratique regroupait tous ceux qui rejetaient le recours aux armes, notamment les armes sectaires qui protègent la corruption. Ceux-là représentent une minorité au Liban, même parmi les jeunes. Mais ils étaient un modèle. Ils étaient un modèle d’excellence et d’audace face à une situation désespérée imposée par des partis confessionnels qui exploitent les gens et qui bafouent toutes les valeurs morales.

L’accession de Nassib Lahoud à la présidence de la République faisait l’objet d’un véto à l’époque de l’ère post-milicienne et après que le Metn ait été entraîné dans un climat populiste qui a fait élire au Parlement des personnalités dont la plupart ne méritaient pas de faire leur entrée à l’Assemblée, à l’exception de Samy Gemayel. Seules les personnalités qui acceptaient les conditions qui leur étaient imposées au préalable pouvaient accéder à la présidence de la République. Nassib Lahoud était d’une autre trempe, semblable dans une large mesure à la trempe de Raymond Eddé. Nassib Lahoud ne pouvait être que Nassib Lahoud, à savoir l’homme politique indépendant, intègre, ayant réussi dans sa vie professionnelle. Il se distinguait par son courage et sa franchise à un point tel que Rafic Hariri était attentif à chaque mot qu’il prononçait dans ses interventions à L’assemblée nationale. Surtout lorsqu’il critiquait certains aspects de la politique économique du gouvernement.

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